jeudi 23 juin 2016

Le sociologue Bernard Lahire (ENS Lyon) vantait ce matin les travaux d'Erwin Goffman, dont je n'ai pas lu une ligne - dont un gros ouvrage de 600 pages, peu lu, intitulé "Les Cadres de l'expérience" (1974). Le "framing" étant la façon dont nous délimitons et séparons fait et fiction, ce qui nous importe et ce qui ne nous importe pas - d'où parfois des "ruptures de cadre", quand le hors-cadre déborde soudain dans notre expérience. Sa formation de documentariste lui aurait peut-être suggéré cette image.
Erwin Goffman est donc un sociologue de la vie quotidienne, de la présentation de soi, dont l'écriture a "recours à de nombreuses métaphores, souvent filées, empruntant notamment au registre théâtral, rituel, ou encore ludique" - et a étudié la théorie des jeux, avec Thomas Schelling.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Erving_Goffman

A la journaliste lui demandant ce qu'il pensait de la "liberté", Lahire répondant qu'il s'agissait d'un concept philosophique, pas d'un fait scientifique, et que c'était sans doute une "fiction utile", notamment dans le domaine du juridique.

(wiki encore)
La « stigmatisation » d'un individu intervient, pour Goffman, lorsqu'il présente une variante relative par rapport aux modèles offerts par son proche environnement, un attribut singulier qui modifie ses relations avec autrui et en vient à le disqualifier en situation d'interaction. « Cet attribut constitue un écart par rapport aux attentes normatives des autres à propos de son identité » (…) Goffman classe ces stigmates dans deux catégories différentes : les stigmates « visibles » et « invisibles ». Les premiers caractérisent les attributs physiques et les traits de personnalité directement apparents lors du contact social, les seconds regroupent toutes les facettes de l'individu difficilement décelables lors d'un contact visuel avec celui-ci. L'acteur va donc tout mettre en œuvre afin de cacher ce stigmate ou en tout cas d'éviter qu'il ne constitue un malaise chez son public. Goffman nomme « contacts mixtes » les interactions à risques entre normaux et stigmatisés. Le risque de « fausse note » y est théoriquement plus élevé. L'auteur met toutefois en garde ses lecteurs contre le risque de prendre trop au sérieux cette métaphore.

Cela fait écho avec ce petit article sur les femmes Asperger : "la différence invisible", titre l'une d'elle

http://madame.lefigaro.fr/bien-etre/syndrome-dasperger-elles-ont-decouvert-adultes-quelles-en-etaient-atteintes-210616-114898

A complèter par:

http://les-tribulations-dun-petit-zebre.com/category/les-zebres-ne-font-pas-des-chevaux/

Et aussi:

http://www.journaldesfemmes.com/maman/expert/64589/ces-enfants-doues-dont-on-ne-peut-calculer-le-qi.shtml

mardi 21 juin 2016

Encore des chanteuses/eurs: je plagie ici effrontément des avis parus sur casus no…

- Have you in my wilderness de Julia Holter, sorti l'année dernière et en tête de pas mal de palmarès de fin d'année. Jusqu'à présent, cette - elle aussi - multi-instrumentiste, compositrice et chanteuse, s'était fait connaître pour ses disques mélant électro et musique savante (elle est passée par CalArts) et comme beaucoup d'artistes de sa génération avec un tel "bagage" (Natalie Prass, Matthew E. White, ...) elle se tourne de plus en plus vers une musique plus accesible, plus pop, en louchant notamment vers la pop et le folk orchestral des années 70. Les arrangements sont somptueux, avec des couches de cordes et de voix célestes, les compositions plus complexes qu'on ne le croit de prime abord, et c'est vraiment très beau.

Are you serious, le nouvel album d'Andrew Bird, multi-instrumentiste (dont le violon, donc), chanteur, compositeur et interprète de Chicago. Ses disques ont toujours été un creuset pop, folk et jazz, et de ce dernier album en date est sans doute le plus évident : on y retrouve la signature de Bird (sifflements, cordes en pizzicato, voix chaude, mélodies entraînantes) mais ses chansons n'ont jamais été aussi catchy, notamment sur les trois premiers titres, très soul

lundi 20 juin 2016

22 Oct 2015

Electrothérapeuthes et lobotomisateurs - ils occupent une place certaine dans la culture populaire (Mad men, Vol au dessus d'un nid de coucous, Shutter Island, Sucker Punch…) - mais qui sont ils?

Wagner Von Jauregg était quasi-nazi… Il "a appelé, en 1935, à la stérilisation forcée des malades mentaux et des criminels, et qu'il a présidé la Ligue autrichienne pour la régénération raciale et l'hérédité"

https://fr.wikipedia.org/wiki/Julius_Wagner-Jauregg

"Pendant la Première Guerre mondiale, il préconisa le traitement par électrochocs des soldats traumatisés. De fait, ces soldats préféraient retourner sur le théâtre des combats plutôt que de continuer à subir le traitement infligé, avec cruauté mais probablement sans son aval, dans certaines cliniques viennoises. En 1920, à la suite de plaintes de soldats autrichiens, il fut donc accusé de pratiques barbares. Freud témoigna en sa faveur lors du procès qui s'ensuivit. Il fut finalement disculpé et un autre médecin fut condamné à sa place."


Tandis que Egas Moniz était juste homophobe, quoique portugais, qu'il a eu son prix Nobel en collaboration avec Rudolf Hess (si si!… bon, l'autre), et a fini paraplégique après qu'un schizophrène lui ait tiré dessus. Son disciple américain Walter Freeman, qui arpentait les asiles des States avec sa "lobotomobile" (! - 250 $ l'opération) perdit sa licence médicale après qu'un des ses patients meure (mourut? fut mort? y resta?), en 1965.
Comme on est aux USA, il existe un puissant lobby des "victimes de la lobotomie!" Il est fortement question de "dé-nobéliser" E. Moniz.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Egas_Moniz

http://www.theguardian.com/education/20 ... on.comment
Zu est grand!

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/ ... n-islande/
11 Jan 2016

 mise en évidence, au sein d'une même espèce (ou sous-espèce?) d'au moins deux types de tendances comportementales, liées (ce n'est pas contradictoire avec la piste hormonale) à des conformations cérébrales, ou plutôt à la réaction cérébrale aux stimulations: y a ceux qui tirent plaisir à varier systématiquement les plats, et ceux qui préfèrent manger 100 fois le même plat - et tout le spectre entre les deux.
Ceci pour des purs motifs de maximisation du plaisir: changer souvent, certains ça leur plait; d'autres ça les stresse. Et inversement.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A ... A9compense

https://fr.wikipedia.org/wiki/Motivation

https://fr.wikipedia.org/wiki/Comportem ... %A9rotique
05 Jan 2016
Le magazine "Sciences Humaines" vaut ce qu'il vaut (vulgarisation érudite, de la part de chercheurs qui font parfois un peu leur propre promotion), mais il tient au courant, et dans son numéro spécial 25ème anniversaire, j'ai été intéressé et amusé moins par le panel des "idées à la mode", que par le recensement des idées… qui ne le sont plus! Sous le titre "Les idées qui ont fait flop", en 3 pages le magazine énumère les notions, concepts ou expressions qui ont eu leur moment de gloire dans les 25 dernières années, mais que nul chercheur ou intellectuel "sérieux" ne considère plus comme valides ou opérants - au mieux ceux qui "travaillent" encore "avec" ou "dessus", le font avec de grandes précautions méthodologique, en "mettant en question", "revisitant", "repensant", etc…

La liste est assez savoureuse et bien faite, je crois: la voilà. Ont dont "fait un flop":

• la "société du savoir" (hein?)
• la "gouvernance" (remplacée par la "concertation", c'est à dire par toujours rien)
• le "progrès" (remplacé par l'"innovation", plus modeste, mais qui suivra le même sort)
• l"homo economicus" néo-classique (cf le Loup de Wall Street!)
• les "cerveaux gauche et droit" (introuvables par l'imagerie cérébrale!)
• la "grammaire universelle" générative à la Chomsky (se réduisant à presque rien, sert à rien)
• la transmission purement génétique (contestée par l'épigénétique)
• la "fin de l'Histoire" (tout le monde n'étant pas au courant…)
• la "fracture numérique" (tous les africains ont désormais un smartphone - so what?)
• le "multiculturalisme" (ça marche pas! ou trop! enfin bref…)

Mention honorable pour : • les neurones miroirs (rudimentaires) • les "studies" déconstructionnistes (si what?) • la "fin du travail" (vrai et faux!) • la modularité de l'esprit (sais pas ce que c'est!) • la démocratie directe (ne marche que chez les Suisses) • le communautarisme (heu, ça marche trop bien!) • la "tragédie des communs" (épisode anglais monté en graine par des historiens anti-étatistes, pas pire somme toute que les dégâts de la finance!) • le cerveau ancestral (néo-Jung?) • le libertarisme (…sans sécurité sociale? repensez-y…) • la culture d'entreprise (ha ha! don't be evil!) • l'intelligence émotionnelle (greu?…) • l'humanisme (battu en brèche à la fois par l'antispécisme, droits des animaux et tout, et le néo-biologisme neuronal)
18 Jan 2016
Je ne connaissais pas, ou plutôt n'avais pas fait le rapprochement, entre des articles lus ici et là et cet anthropologue (anglais?) d'Oxford, bossant avec le CNRS et l'ENS, etc… qui se veut "cognitiviste" (à la mode anglo-saxonne, et ces approches me convainquent en général).

Ce matin à la France Culture, ce Scott Atran disait sur l'EI-DAESH des choses parfois un peu fausses, parfois un peu vraies. Parmi celles-ci, le fait qu'on aura du mal à comprendre les jeunes recrues, voire les terroristes, tant qu'on n'aura pas admis que le Jihad, quand on se met vraiment dedans, c'est objectivement super!

Article très bavard et long (en anglais), mais qui va dans le même sens:

https://aeon.co/essays/why-isis-has-the ... revolution

Il applique le même raisonnement utilitariste pour la religion en général, ou pour la nation: on ne voit franchement pas pourquoi ça aurait été inventé, alors que c'est absurde, si ça n'était pas si utile, si convaincant, et donc attrayant. Et on ne comprendrait pas pourquoi plein de jeunes, en France ou Espagne, seraient ou se diraient séduits, si ça ne répondait pas très clairement à leurs attentes, à leurs désirs, à leurs besoins. DAESH est un bon produit, donc pas de raison que ça périclite!


"An ICM poll in August 2014 suggested that a quarter of France’s young adults of all creeds, aged 18 to 24, had at least a ‘somewhat favourable’ attitude towards ISIS. These specific results have not been replicated. But after the January 2015 Charlie Hebdo attacks, our research team set out to probe support in France and Spain for values favouring and opposing those professed by the Islamic State: for example, the strict Sharia of the Caliphate versus religious equality and tolerance of dissent in democracies. Among young people in the hovels and grim housing projects of the Paris banlieues, we found fairly wide tolerance or support for ISIS’s values, and even for the brutal actions carried out in their name. In Spain, among a large population sample, we found little willingness to fight in order to defend democratic values against onslaught."
17 Mars 2016
Un petit topo sur les chiffres de la pédophilie ecclésiastique?

http://fr.express.live/2014/07/31/combi ... xp-206763/

Le pape François a récemment déclaré que l’on pouvait s’attendre à ce que 2% du clergé catholique soient des pédophiles.

Michael Soto, psychologue clinique et de médecine légale au Royal Ottawa Healthcare Group, a écrit un livre dans lequel il aboutit à la conclusion qu’environ 5% de la population peut être qualifié de pédophiles.
« Entretemps, Solo a réduit par une nouvelle méthodologie ses évaluations à 1% de la population, mais selon le chercheur, il ne s’agit que d’une hypothèse raisonnée », dit Stephenson. « Un des problèmes est que la pédophilie peut revêtir un aspect différent selon diverses personnes ».
« Il arrive souvent que des hommes se sentent attirés par des jeunes de 18 ou 20 ans et même de 16 ans. Plus jeune est la cible de l’attraction, plus le groupe d’hommes intéressés diminue. Si on définit la pédophilie comme une attirance pour des jeunes de maximum 14 ans, on doit selon James Cantor peut-être arriver à un chiffre de 2% »
« Si on observe seulement l’intérêt pour des jeunes prépubères, d’un âge maximal de 11 à 12 ans, on arrive sans doute à un résultat qui reste sous la limite de 1%” dit encore James Cantor.
Selon Michael Seto et certains de ses collègues, la définition doit se limiter à des hommes qui montrent un intérêt sexuel pour des enfants prépubères. On arrive alors, en fonction des chercheurs, à un chiffre de 0,5 à 1%.

Mais en ce qui concerne le chiffre avancé par le Pape François. Comment définit-il la pédophilie ?

« Il est impossible de dire clairement comment le pape François est arrivé au chiffre de 2% », ajoute Stephenson qui souligne qu’un indice existe cependant. « Il est possible qu’il se soit basé sur une étude de scientifiques au sein du clergé catholique du John Jay College of Criminal Justice à New York. Ces derniers se sont rendus compte que pendant la deuxième moitié du vingtième siècle (de 1959 à 2002), 4,2% du clergé américain "avait vraisemblement été accusé d’une manière crédible de pédophilie", et que dans ces cas, il s’agissait aussi bien d’adolescents que d’enfants prépubères ».
« Et si on tient compte de la définition clinique plus stricte de la pédophilie, on arrive aussi à un résultat final de 1 à 2% », précise Philip Jenkins de l’Institut d’études religieuses de l’Université Baylor au Texas. « Cela correspond plus ou moins au chiffre attribué par le Pape ».


http://www.slate.fr/story/90481/denombrer-pedophiles

"comment le Pape a-t-il pu estimer la proportion de pédophiles dans le clergé, au-delà de ceux qui ont été exclus de l’Eglise pour cette raison (qui ne sont qu’au nombre de 848 en dix ans, soit 0,2% des effectifs), et de ceux sur lesquels pèsent des accusations crédibles selon le Saint-Siège, et qui ont reçu pour instruction de «vivre une vie de prières et de repentance» (soit 2.572 prêtres, ce qui équivaut à 0,6% du total)?"

Les seuls chiffres qui pourraient donner une indication partielle sur le nombre de pédophiles émanent des institutions de justice et de police (Interpol). En 2008 en France par exemple, il y a eu 430 viols sur mineurs et viols par ascendant ou personne ayant autorité de sanctionnés. En 2009, l'ONU estimait que 750.000 personnes dans le monde consultaient simultanément des sites pédopornographiques.

Interrogé par la BBC, le psychologue spécialiste des comportements sexuels à l’université de Toronto James Cantor estimait que, «si l’on utilise une définition très stricte et que l’on estime que la pédophilie se réfère exclusivement à l’attirance pour des enfants pré-pubères, alors elle concerne certainement beaucoup moins de 1%» de la population globale. Même s’il ne s’agit là que d’une «estimation éclairée», et que le chiffre présenté par le Pape suscite des interrogations, la proportion de pédophiles serait donc plus importante au sein de l’Eglise que dans l’ensemble de la société. (…)

La psychanalyste Cécile Sales écrivait en 2003 dans un article de la revue Etudes: «Le plus fréquemment, [les pédophiles] exercent un métier ou des activités les mettant en contact avec les enfants, que ce choix ait été délibéré ou inconscient: enseignants, éducateurs, magistrats, pédiatres, animateurs culturels ou sportifs, prêtres censés exercer un magistère spirituel...»

Pour détecter la pédophilie et prévenir les passages à l’acte, certains pays proposent une une assistance psychiatrique anonyme et gratuite destinée aux personnes qui ont des fantasmes pédophiles, comme en Allemagne par exemple, pionnière en la matière avec le projet de prévention Dunkelfeld.

Quant à l’Eglise, le docteur Paul Bensussan estime que le célibat n'est pas un facteur de risques en soi, mais que les vœux de chasteté peuvent être «considérés par certains comme un moyen de se mettre à l’abri de pulsions inavouables, ce qui pourrait constituer un regrettable (et dangereux) biais». Aussi faudrait-il selon lui «inviter les candidats à la prêtrise à une introspection plus poussée au moment de leur recrutement, pour approcher, autant que faire se peut, leurs motivations conscientes, mais aussi inconscientes».
16 Juin 2016
 Une émission, et sans doute (car pas lu) un livre de géo-sociologie intéressant, sur les cadres supérieurs européens, et leur ancrage dans les métropoles (Paris, Lyon, Madrid, Milan sont étudiés - avec Londres et Manchester en comparaison):

http://www.franceculture.fr/emissions/l ... ent-social

La surprise (relative) de l'étude, c'est qu'en Europe du Sud-Est (à la différence des USA… et de la G-B, tiens), c'est que les cadres supérieurs sont, à la fois, assez mobiles professionnellement, mais très ancrés localement, qu'ils ne vivent pas vraiment dans des quartiers ou des modes du vie "ségrégués" (où tout est "privé"), qu'ils participent à une vie locale et associative, qu'ils privilégient des réseaux familiaux et micaux stables, et que, généralement, ils reviennent élever leurs enfants là où ils ont été élevés. Bref, ce ne sont pas des "bobos" chimériques, ni des "gentrificateurs" opportunistes et sans vergogne, mais des "bourgeois" organisateurs raisonnés de l'espace européeen.

https://www.puf.com/content/Un_monde_%C3%A0_la_carte

dimanche 19 juin 2016

24 Juin 2014
L'activation du gène du stress serait transmissible…

http://abonnes.lemonde.fr/sciences/arti ... 50684.html

"Les descendants des personnes traumatisées par l’Holocauste présentent plus de risques de développer une dépression ou un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) (…) cette vulnérabilité ne serait pas liée au seul poids du contexte familial. (…) Rachel Yehuda s’en aperçoit fortuitement au lendemain de la catastrophe du 11 septembre 2001, lorsque 1 700 femmes enceintes sont affectées par l’effondrement des tours du World Trade Center. Quelques semaines après le drame, la chercheuse analyse la salive de 38 d’entre elles et observe que celles présentant un SSPT ont un faible taux basal d’une hormone de stress appelée cortisol. « Ceci marque un dérèglement du circuit physiologique de gestion du stress qui devient hypo-actif à l’état basal mais hyper-réactif au stress (…)

Un an plus tard, Rachel Yehuda analyse la salive des bébés et s’aperçoit que les descendants des femmes présentant un SSPT ont eux aussi un niveau de cortisol très bas. Rien de tel n’est observé chez les enfants des femmes ayant vécu la catastrophe sans être traumatisées. Le même phénomène est constaté chez les descendants de l’Holocauste, à cela près que le destin psychologique des enfants varie selon le sexe du parent traumatisé. (…) Les individus dont seul le père souffrait de SSPT présentent des taux de cortisol plus élevés et une méthylation accrue du promoteur du gène GR-1F que ceux ne possédant aucun parent frappé d’un SSPT. Cette augmentation de la méthylation est absente lorsque seule la mère ou les deux parents souffrent de SSPT. « (…) Ce résultat obtenu chez l’homme reste intéressant car il indique qu’une vulnérabilité différente au stress est transmise sur le plan épigénétique selon que c’est le père ou la mère qui est atteint d’un SSPT. » A ce stade, le mécanisme sous-jacent à cette transmission est inconnu. Ces marqueurs épigénétiques pourraient être hérités biologiquement et/ou être inscrits en réponse aux attitudes de parents traumatisés.

Ce qui est certain, en revanche, c’est que cette empreinte épigénétique n’est pas immuable. Dans une étude menée sur des vétérans souffrant d’un SSPT et parue en septembre dans la revue Frontiers in Psychiatry, Rachel Yehuda montre que, à l’aide d’une psychothérapie, ces biomarqueurs peuvent disparaître en même temps que les symptômes."



27 Mai 2014
un article intéressant, qui nuance fortement la notion d'"héritabilité", bien plus complexe que l'on croit:

http://abonnes.lemonde.fr/sante/article ... 51302.html

"A y regarder de plus près, tout cela n'a aucun sens. Certes, notre cerveau se construit progressivement pendant la grossesse (et bien après), et nos gènes sont les ordonnateurs de cette construction. Mais, en permanence, des centaines de petites molécules, certaines toxiques, d'autres indispensables, des agents infectieux, anodins ou dangereux, inondent notre circulation sanguine, arrivent dans le cerveau du fœtus et interagissent avec lui, pour le meilleur ou pour le pire. Plus tard, à la naissance, la sécurité de notre environnement jouera également un rôle essentiel dans la maturation de ce cerveau ; plus tard encore il y aura l'école, les médias, la religion. La survenue d'une maladie comme l'autisme est vraisemblablement la résultante d'interactions réciproques subtiles entre un nombre considérable de facteurs, les uns génétiques, les autres métaboliques, infectieux, traumatiques, brefs environnementaux. Il n'est d'ailleurs pas exclu que le niveau de complexité potentiel de ce déterminisme soit tel que, même en incluant dans une étude l'ensemble des êtres humains de la planète, on manque encore d'informations pour estimer les paramètres des modèles.

Mais alors, pourquoi cette vision parfois caricaturale de la génétique dans l'autisme ? Peut-être parce qu'après des décennies de pensée unique psychologisante, il était besoin d'un « tout génétique » pour jouer le rôle de contre-pouvoir émancipateur. Finalement, l'article du JAMA a peut-être un tel écho parce qu'il permet de tourner la page du choc des visions simplistes de l'autisme."
24 Août 2014

 Je viens d'entendre (en léger différé) une des émissions de France Culture présentée par jacques Attali, et consacrées cet été au cerveau. L'une recevait le médecin-entrepreneur-spécialiste de la génomique-prospectiviste-vulagrisateur-propagandiste de lui-même et de ses produits (dirais-je) Laurent Alexandre. Il parlait de l'intelligence artificielle, et aussi de l'usage de la génétique pour l'accroissement des capacités cognitives. (Mais pas trop de l'accroissement indéfini de la durée de la vie, son dada, auquel renvoie le titre de son dernier livre, auquel je renvoie en titre: "L'homme qui vivra 1000 ans est déjà né"

Par delà la conviction et le sensationalisme science-fictionnesque qui caractérisent cet quasi-"transhumaniste" (dont on a déjà parlé), si ne serait-ce que 10% de ce qu'il annonce plus ou moins triomphalement se réalise, alors ce sera "Le Meilleur des Mondes" (auquel il fait lui-même référence) - non sans révolutions sociales et géopolitiques majeures. Je vous laisse écouter:

http://www.franceculture.fr/emission-le ... 2014-08-23

Mais en gros, ce qu'il annonçait est ceci (je en retiens que les trucs les plus flashy)
• dans 20 ans, quasi-TOUTES les voitures privées seront sans chauffeur. Improbable? Certain.
• si on veut, un gouvernement peut en quelques décennies "augmenter le QI" moyen d'un pays de 60 points - juste par la sélection raisonnée des embryons
• dans quelques années, plus de classe moyenne dans nos contrées, les intelligences artificielles rempliront bien mieux leurs fonctions - reste à inventer une société faite de chercheurs et d'artistes exclusivement…
• les chinois sont en train d'identifier les gènes de l'intelligence, et vont produire des surdoués à la pelle, à des fins géopolitiques, et à moins de les bombarder, ils refuseront toute limitation éthique dans ce domaine
• au XXIe siècle, le débat gauche-droite fera place à une opposition entre les transhumanistes, qui voudront vivre plusieurs siècles en étant biologiquement modifiés, et les bioconservateurs
28 Sep 2014

Je devrais mettre ce blabbla en sciences humaines - d'autant que ces réflexions s'appuient sur une observation empirique fondée sur un sujet unique mais valable: moi-même.

Il se trouve que je n'ai (encore) ni portable, ni tablette, ni télé écran plat connectée, ni en fait grand chose qui semble faire le quotidien des gens. J'ai en revanche depuis bien des années un ordinateur portable, je l'utilise pour le travail, internet et les mails et autres forums. Je ne suis pas donc absolument technophobe, mais technorétif - pour entre autre une raison bien identifiée: je crains que, si j'avais une tablette, un portable, de meilleurs équipements électroniques… eh bien je m'en servirais, beaucoup et sans cesse, comme je le fais déjà trop avec mon portable. La technologie me permet de comprendre les puritains et les abstinents, dans d'autres domaines: peur phobique de la dépendance. Et en bon technopuritain, les gens accrochés à leur écran me semblent répugnants, intéressants et aliénés. Mais je les envie sourdement (?)…

D'autre part, la technologie qu'on nous vend est à la portée de tous, mais suppose, si on veut en faire quelque chose d'intéressant, un peut de compétence. Or, je constate mon incapacité à m'investir, par exemple dans les fonctionnalités d'un logiciel, d'un traitement de texte, d'une procédure internet. Humilié par le fait qu'une procédure un peu compliquée ait été mise en place par des gens inconnus, et par la complexité même qu'implique la technologie, je me tiens au minimum - et à la limite n'attend des objets techno que ce que les commerçants les plus habiles (Apple?) vendent aux imbéciles: à savoir que ça marche tout seul, sans que je sache comment. Je crois que je suis aussi un technomacho - au sens du type qui, des femmes, attend juste qu'elles se donnent, le plus vite possible, et sans qu'il ait à leur parler ni à les comprendre. Triste ?

Enfin, il se trouve que dans mon travail j'ai beaucoup à écrire sur écran - mais que je n'ai jamais appris de manière formelle à taper - pour les motifs ci-dessus. J'ai donc acquis un logiciel de dictée vocale, que je ne maîtrise que partiellement (voir ci-dessus), qui du coup marche moyennement, mais qui m'enthousiasme, parce que du coup cela réalise assez les deux points plus haut: en dictant un texte, j'ai étrangement l'impression de m'affranchir de la technologie (écran, taper…), alors que je suis en train d'en utiliser une! Le résultat est d'ailleurs souvent médiocre, et même humiliant, et la démarche contraire aussi à mes goûts esthétiques - je me trouve ridicule à parler dans le vide. Et pourtant je conseille sincèrement ce logiciel autour de moi - alors que j'y vois intellectuellement un instrument de ruine de toute une civilisation. J'ai la même position avec internet, et la plupart des inventions récentes et à venir: c'est formidable, et ça nous pousse vers la tombe, etc… D'où impression d'être aussi un technopervers.
01 Mai 2015
Devant toutes les réflexions informées et érudites sur les (en effet passionnantes) "dissonances cognitives", ne connaissant pas grand chose à la dimension stricto-sensu "technique" des sciences cognitives, je partirais pour ma part de la remarque (de bon sens) de Lacan, selon laquelle "le réel est invivable", ou "impossible" - en cela qu'il est "un objet vide impossible à saisir par le concept". Or, et c'est la problème, ce réel impossible, invivable… il faut bien le vivre.
Et on ne peut le "combler" par la science, s'y efforcer serait/est une folie, parce que le réel est sans fond.
Alors on tentera juste de le dire, ce "trou toujours déjà vide de tout temps dont découle l'efficacité des effets du discours de chacun" - il contient toutes les propositions possibles, "on y trouve en nombre infini, toutes les lettres nécessaires à l'écriture d'un roman… Plus vous en utilisez, plus il y en a !" - par des moyens d'emblée mis en défaillance: parce que "lieu symbolique où jamais aucun humain n'a, n'a eu, ni n'aura accès", (…) c'est "la demeure des trois grands "A" : L'Art, l'Autre et l'Amour." (citations empruntées au site "Ecole lacanienne de Psychanalyse").

Bref, si je raplatis tout - et c'est ma lecture du truc - il me semble "normal" que, face à la complexité au bas mot impensable du réel, on se bricole, assez poétiquement d'ailleurs, un manteau d'arlequin de propositions strictement contradictoires - dont il faudra ensuite rendre compte, devant les autres (l'art, l'amour, la mauvaise foi) - avec lequel il faut vivre, ou qui nous permet justement de vivre le réel, invivable autrement.
Sans quoi nous serions dans la Vérité - c'est à dire pleinement mortels en toute conscience, donc morts.
20 Juin 2015
Ah, voilà un article, sur le thème des extinctions massives, qui enfin me semble aller droit au fait : cela me semble être la première fois que de manière aussi explicite on signale au grand public qu'on est foutus, en tant qu'espèce. Ce qui fait toujours plaisir!

http://abonnes.lemonde.fr/planete/artic ... _3244.html

"Et les humains feront probablement partie des espèces qui disparaîtront, ont-ils prévenu.": bon, c'est en une ligne ici, mais c'est déjà cool d'être prévenus, pour régler ses affaires, tout ça…
10 Juil 2015

"Car les bêtes, pas plus que nous, ne sont égales face aux drogues. Pour s’en assurer, une étrange étude fut menée en 2002 par le Conseil médical du Canada, sur des vervets bleus vivant sur l’île de Saint Kitts (Caraïbes). Destinée à cerner une éventuelle prédisposition génétique à l’alcoolisme chez notre propre espèce, qui partage 96 % de son génome avec ce petit singe, l’expérience consista à mettre en captivité un millier de velvets, puis à leur distribuer généreusement diverses boissons. Seuls 15 % des singes se révélèrent ne jamais boire d’alcool, leur préférant obstinément les jus de fruits. Les autres se répartirent pour 65% en buveurs occasionnels, pour 15% en gros buveurs, et pour 5 % en véritables alcooliques.

Plus troublant encore, les comportements des singes en état d’ébriété apparurent aussi divers que chez les humains. «  Comme dans une fête alcoolisée, vous en verrez un devenir agressif, un autre libidineux, un autre encore trouvera tout très drôle ou deviendra au contraire très morose  », constate Frank Ervin, professeur de psychiatrie à l’université ­McGill de Montréal et directeur de cette étude." — (Ervin, eh, pas Evin!!)

http://abonnes.lemonde.fr/sciences/arti ... 50684.html
15 Juil 2015
Hier soir sur Arte, deux documentaires, l'un sur l'évolution de l'homme, l'autre plus général sur l'ADN.
Intéressant, mais impression un peu gâchée par la stupidité de la présentatrice, qui, il faut l'admettre, se rangeait dans le même créneau de moralisme crétin que l'article de Télérama sur l'émission.
D'où mon étonnement? Du fait qu'avec gourmandise la dame annonçait, comme un scoop, que le doc allait montrer aux gens, sectaires fatalement, que "nous sommes tous noirs", et que la connaissance de l'ADN était donc "la meilleure réponse à toutes les xénophobies".
Télérama, lui, signalait l'émission comme "une cinglante réplique à Eric Zemmour"…

"WTF?" comme disent les jeunes… Quel rapport avec la choucroute?

Comme si ce qu'on appelle le "racisme" ou, mieux, la "xénophobie" (??) était soluble dans la génétique ou la science tout court! A ce compte, si comme l'a dit la Bible, si chère encore à Télérama, "tous les hommes sont frères" (et "noirs", en plus, donc sympas!), alors embrassons-nous! Admettons que les belges (par exemple) sont génétiquement compatibles avec nous, donc sans doute possiblement humains, ou bien les Allemands, ou les islamistes, et alors fini la "xénophobie, et ce sera la paix universelle et l'Amour - sans oublier avec nos frères, ou cousins, les Animaux, avec lesquels nous partageons tant de code génétique (et même 40% avec les bactéries!) , au point que plus jamais on ne mangera de bifteck, et qu'on embrassera les mygales…

Soit tous ces gens sont très très bêtes, et confus au possible; soit ils savent que ce qu'ils disent est, pour diverses raisons, idiot - mais ils le disent quand même, par idéologie délibérée; soit, hypothèse pire encore, ils sont très très très gentils… Allez savoir ce que l'évolution va faire de tout ça.
24 Sep 2015

 En anglais, je trouve assez remarquable cette série de "Crash Course" (cours de rattrapage, ou cours-express) - si on accepte le débit et les voix parfois désagréables de ces intervenants, basés à Indianapolis, et qui proposent un très bon cours d'éducation populaire. Quelques biais très "américains" parfois, mais c'est une très bonne encyclopédie récapitulative (sciences, histoire, médecine, économie, philo même…) pour ceux n'aiment pas lire. Sous-titrage (en anglais) possible.

https://www.youtube.com/user/crashcourse
24 Sep 2015

 On l'attendait, la voici: une explication du nazisme via la climatologie… (En anglais)

http://www.theguardian.com/world/2015/s ... o-far-away

(Timothy Snyder is the Housum professor of history at Yale University and the author of Black Earth: The Holocaust as History and Warning, published this week by Bodley Head)

(Je plaisante, c'est un peu plus fin que ça, et plus "controversial", parce que l'on s'y risque à la prospective. Mais, déjà pas mal de livres et films de SF ont évoqué l'émergence d'un fascisme à venir, sur base de la restriction des ressources - "Mad Max", c'est pas original).

En français, un résumé:

http://www.slate.fr/story/107315/change ... xtor=RSS-2
10 Mai 2014

 Expérience de psychologie expliquée par Serge Tisseron

Expo Mapplethorpe: êtes-vous plutôt refoulé ou plutôt clivé?

Alors, je vous propose un test: allez voir l'exposition Mapplethorpe. Si vous en êtes scandalisé, vous souffrez probablement de refoulement excessif; si vous en ressortez écœuré et malade, interrogez vous sur l'existence chez vous d'un clivage problématique; et si vous en êtes bouleversé et content, c'est probablement que vous êtes plutôt du côté d'un clivage en voie de résolution. Il est bien évident que vous pouvez être un peu de tous les côtés à la fois parce que vous avez pu vivre des événements différents que vous gérez à des rythmes différents. En tous cas, ne perdez pas cette occasion de mieux vous connaître. Et bonne visite!

http://www.huffingtonpost.fr/serge-tiss ... sychologie


Sur Mapplethorpe, le peu que j'en sais, c'est que des polémiques ont eu lieu autour de son esthétique que lui même qualifiait de "grecque": un certain idéal de perfection intimidante (jusque dans le brutalement frontal, mais en fait dénué de réelle provocation), une dimension statuaire et monumentale, un attrait pour ce qui impressionne (ainsi les physiques musclés et, hum, bien pourvus par la nature) - bref une constante idéalisation affirmative de la beauté et de la force (même dans la fragilité)… Certains critiques ont pu qualifier son œuvre de "fascisante" - au même titre, dans d'autres genres, que celles de Kenneth Anger ou de Helmut Newton…
05 Juil 2014

Une explication qui me semble sensée de l'antisémitisme de Céline se trouve chez Philippe Muray.

Son essai, "Céline" date de 1981. C'est un ouvrage de facture brillante, assez universitaire (Muray est allé à la suite de ce livre enseigner la littérature à Stanford, quelque temps). Je cite un commentaire dans "l'Express":

"L'angle est inattendu; le tableau, magistral. A la lumière de la passion de l'auteur du "Voyage au bout de la nuit" pour la figure de la danseuse, Muray dégage les traumatismes, les phobies et les utopies communes (scientisme, machinisme, hygiénisme, colonialisme, vitalisme) aux XIXe et XXe siècles. Muray soutient de front deux propositions. Primo, l'antisémitisme célinien est celui de son époque; il n'en est pas moins abject. Secundo, le style et l'?uvre qu'a laissés Céline sont d'un pur écrivain. En somme, le pire chez Céline touche à ce qu'il a en commun avec ses contemporains: l'opinion, les circonstances. Le meilleur est ce qui procède de lui en propre: son habileté à introduire le lecteur dans le drame, à l'en prendre à témoin. Au bout du compte, Céline est infréquentable. Sauf son style."

Derrière cette thèse de Muray, il y en a une autre, que cet auteur (catholique revendiqué) a développé dans d'autres livres: le bon docteur Destouches appartenait à une époque (scientiste, hygiéniste, etc…) qui avait cessé de "penser" le mal, notamment en termes religieux (donc plus de "péché originel").
Si le "mal" (tout ce qui ne va pas dans le monde, la méchanceté, la maladie, la mort…) n'a plus d'origine transcendante, c'est qu'on pense qu'il est possible de le "soigner", de purifier, de nettoyer - c'est juste une question de moyens, de "solutions" plus ou moins "finales"… C'est aussi qu'il a des "causes" identifiables. Et, de manière conventionnelle (l'époque, la tradition, la facilité), ce seront les juifs qui seront désigné comme la "maladie" qui nécessite "purification": l'antisémitisme célinien comme fantasme standard de gentil docteur, épris de santé, de sport, d'eugénisme et de grand air…

Cette idée de Muray, je la trouve très bonne, car elle permet de concilier les deux aspects du personnage: son empathie et son humanité incontestables pour la souffrance - et sa résolution à la guérir, coûte que coûte, en appelant à l'"élimination" des "agents pathogènes"! Toutes les lettres de Céline vont dans ce sens: l'antisémite était un diététicien, un eugéniste, un hygiéniste, pour qui le "mal" était une maladie chronique, mais éliminable avec un "bon régime"! On sait lequel.

Docteurs Petiot/Destouche/Mengele: même combat, des bienfaiteurs incompris de l'humanité (pure!). Toujours se méfier de ceux qui veulent faire le bonheur de l'humanité - si ça se trouve vous n'en faites pas partie, selon leur définition!
06 Jan 2015

Soumission:

Pas lu le livre, et assez suspicieux quant à sa qualité littéraire stricto sensu - mais ce n'est pas cela qui compte chez Houellebecq.
Par exemple, j'ai trouvé "la Carte et le Territoire" très faible et souvent très mal écrit, même "désécrit" on dirait - et du coup je ne l'ai pas relu depuis, et pourtant nombre de passages, ou plutôt d'"images" (au sens d'instantanés) me hantent (une ancienne demeure de maître du Raincy entourée de HLM avec dealers noirs devant les grilles; un café de village disneylandisé avec la wifi pour touristes russes et chinois; un playmobil oublié qui finit quand même par pourrir après des décennies passés dehors).

Donc, je lirai quand même le livre plat, qui met les pieds dans le plat.

Le Monde aligne les critiques négatives - en soulignant que c'est son roman le plus "médiocre", et que l'auteur est "pervers"
Le Figaro aligne les critiques positives, en saluant tout ce qui est à la fois "drôle" et "bien vu".
On est donc bien ici dans des lectures politiques avant tout.

Avant de lire, mais au vu de ce qu'on sait, moi je me dis ceci.

Le dispositif de la fiction hypothétique ("what if?"…) me semble en effet à la fois drôle et pervers - et cruel sans doute pour les "humanistes de centre-gauche", sa cible apparente. L'idée, absurde, d'un président de la république islamiste (soft? dur?) propose une vraie "expérience de pensée" (comme c'est à la mode) aux éventuels et nombreux "accommodants", même ceux qui s'ignorent.
Car, si cette accession ne changeait rien du tout à la situation française, alors en soi ce dont il "faudrait" actuellement "prendre la défense" (contre "l'islamophobie", etc…) n'existe pas - et donc n'est pas à défendre.
Mais si cette accession changeait quelque chose (voir l'étendue de ce que s'autorise l'auteur…), alors en effet il faudrait dire si on serait "pour ou contre", bref jusqu'à quel point on consentirait - au risque de se trouver en contradiction avec ses propres professions de foi "tolérantes" ou relativisantes. On serait comme contraint d'essayer d'être kantien en la matière.
Au risque de se trouver piégés dans la figure assez repoussante - et/car "de droite" - des gens décrits dans l'affreux mais consensuel film "Qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu…", qui veulent bien du gendre "étranger", mais seulement "à condition que"…

Si ma lecture confirme cette intuition, si Houellebecq veut signifier aux nombreux lecteurs "centristes" qu'en fait de choix, il faudrait logiquement qu'ils optent à terme, seule option "morale", pour soit les Identitaires, soit pour Mélanchon, alors en effet ce livre est à la fois pervers, et drôle.
 
 
06 Jan 2015
En effet, M. H a été plutôt habile au journal de la 2. je ne voulais pas voir sa prestation, mais ma femme ayant mis la télé, j'ai constaté aussi que celui-ci, aidé en cela par un Pujadas bon serveur de soupe (et salué pour ça dans le roman, paraît-il!), n'en démordit pas, tout en enserrant les possibles contradicteurs dans leurs éventuelles contradictions.
Ainsi quand d'un air patelin il a affirmé que la version de l'islam de son roman ne lui semblait pas particulièrement radicale, mais plutôt modérée - ce qui d'un certain point de vue est vrai, puisque en gros elle se limite au voile - et à la polygamie. Textuellement: "Je ne crois pas que cela soit l'islam radical, je suis désolé", estimant au contraire qu'il a dépeint "une des versions les plus douces de l'islam qu'on puisse imaginer", et que sa France fictive est plus calme et en paix.
Comme je le disais plus haut, c'est de la sorte intimer à un "défenseur de la tolérance" (et de l'islam) de devoir faire le travail d'imaginer alors un islam SANS voile, ni polygamie, ni etc… Sinon, ça voudrait dire qu'il est, lui, somme toute "d'accord" avec les dispositions sociétales peu féministes du roman, c'est à dire qu'il serait misogyne - ce qui est très mal vu aussi! Et si l'on s'indigne du portrait de l'islam "le plus doux qu'on puisse imaginer", alors qu'est on, sinon… islamophobe? C'est en effet plutôt habile!
28 Fév 2015, 17:26
Pourquoi les porcs? Pourquoi la femme (nue) interdite? Pourquoi les idôles cassés à Mossoul? Pourquoi les trois ensemble?

G. Flaubert, la Tentation de St Antoine, 1874: (extraits)

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La Logique.
Où est-ce écrit ? Mais toi, qui t' aime au monde ? Et qui aimes-tu ? Est-ce ce porc immonde avec lequel, pour passer le
temps, tu voudrais pouvoir t' entretenir ?

Antoine.
C' est vrai ! Personne ! Je n' ai personne sur qui, quand je suis las, faire reposer le poids de moi-même.

La Logique.
Il te faudrait quelqu' un... un ami... vous vous perfectionneriez l' un l' autre.

Antoine.
Un ami ? Non !

La Logique.
Si tu avais des tablettes au moins, c' est un passe-temps, tu mettrais dessus tes pensées, ce qui te vient à l' idée.

L' Envie.
Mais tu ne sais pas écrire, tu n' as pas voulu apprendre.

La Logique.
Il est trop tard maintenant.

Antoine.
Non, ce n' est pas de cela que j' ai besoin.

(…)

La Logique.
Jésus avait des femmes qui l' escortaient, il était Dieu cependant ! Pourquoi toi n' en prendrais-tu
pas une ?

La Luxure.
Pourquoi donc, comme un autre homme, ne prendrais-tu pas une compagne ?

L' Avarice.
Une matrone soigneuse, qui ménagerait ton bien, qui rendrait propre ta maison ; l' argenterie serait claire, les buffets luisants.

La Gourmandise.
Dans des plats creux qu' on tient par des anneaux elle t' apporterait des tranches de viandes fumant au milieu d' une sauce épaisse.

La Luxure.
Elle serait à toi, à toi seul ; toujours vêtue pour les autres, elle se déshabillerait pour toi seul, vous ne craindriez personne... et tous les jours comme ça... dans votre petit lit.

La Logique.
Ah ! Il ne fallait pas, dès ta jeunesse, vouloir à fleur de terre
(…)
L' Envie.
Est-ce pour toi vraiment que la vie est faite ? N' es-tu pas plus bas que les autres, plus condamné qu' eux tous ? Oh ! Tu es misérable ! Plus misérable que les dalles des grandes voies broyées sous la roue des chars, car la nuit les chars n' y passent plus ! Mais toi... oh ! Plains-toi, pleure, rage ; il vaudrait mieux que tu fusses cet animal stupide qui regarde couler tes larmes.

Antoine.(s'adressant au porc)
Tu ne pleures pas, toi, -il ne te faut rien ! Tout à l' heure cependant tu gémissais aussi... approche,
pauvre bête, que je te flatte un peu.

Il va pour caresser le cochon qui se jette sur lui et le mord jusqu' au sang. Antoine pousse un cri et secoue son doigt.

Le Cochon accroupi sur le train de derrière dans la pose d' un chien.
Je chercherai un arbre au tronc dur ; à force d' y mordre, mes dents pousseront. Je veux des défenses comme le sanglier et qui soient longues, plus pointues encore. Sur les feuilles sèches, dans la forêt, je courrai, je galoperai, j' avalerai en passant les couleuvres qui dorment, les petits oiseaux tombés de leur nid, les lièvres tapis ; je bouleverserai les sillons, je pilerai dans la boue les blés verts, j' écraserai les fruits, les olives, les pastèques et les grenades ; et je traverserai les flots, j' aborderai aux rivages et je casserai dans le sable la coquille des gros œufs dont le jaune coulera ; j' épouvanterai les villes, sur les portes je dévorerai les enfants, j' entrerai dans les maisons, je trotterai sur les tables et je renverserai les coupes. à force de gratter contre les murs je démolirai les temples, je fouillerai les tombeaux pour manger dans leurs cercueils les monarques en pourriture, et leur chair liquide me coulera sur les babines. Je grandirai, j' enflerai, e sentirai dans mon ventre grouiller les choses.

Antoine.
Pourquoi me mords-tu, méchant porc ?

Le Cochon.

Est-ce avec la queue des raves que tu me laisses et le peu d' ordures que tu fais que je peux vivre, moi, moi, le cochon ? Pourquoi autrefois m' as-tu enlevé au marché ? Je m' en souviens, nous étions sur la paille, tu m' as choisi au milieu de mes frères, acheté bien vite, puis suspendu par les oreilles à ta ceinture et apporté ici ; ma mère pleurait, je criais, et toi tu t' en allais sans y prendre garde, récitant ton chapelet.
Je veux des femelles, je veux dans une auge d' or de la farine blanche délayée avec la mousse du sang rose, je veux avoir de la pourpre pour litière, et sous mes pieds, comme des sarments secs, entendre craquer des os humains ; et pour commencer par toi, je m' en vais te faire au flanc un trou pour boire ta bile.

Il se rue sur le saint.

Antoine se jetant sur une pierre, qu' il lève de ses deux mains.
Ignoble monstre ! Moi qui t' aimais !

La Colère.
Tue-le ! Tue-le !

A ce moment le cochon, grandi tout à coup et, gros comme un hippopotame, ouvre jusqu' au ventre une gueule terrifiante, à triple rangée de dents ; il en sort du feu.


(à prologer? hors sujet?)
13 Avr 2015
Dans un livre (sais plus lequel) de Jared Diamond (anthropologue), on trouve un effort d'explication des terribles guerres civiles qui ont eu lieu des siècles durant au Japon, "explication" qui vaut aussi pour la dérive impérialiste du XXème s., et sans doute aussi pour la chute de la natalité actuelle.

Le Japon, qui est une île (ah bon? un archipel, disons), a été victime de… l'hygiène.

Comme les japonais se lavaient beaucoup, balayaient et nettoyaient, etc, ils ont eu le privilège de connaître très tôt, et sans émigration possible, les plaisirs de la surpopulation et de la promiscuité.

A la différence de la Chine (dit toujours J. Diamond) où les gens étaient suffisamment sales pour assurer une forte moralité infantile et urbaine. Mais quand les chinois se sont réveillés trop nombreux quand même, ils ont pris les mesures qui s'imposaient (via Mao, ici l'acteur taoiste de la Nature, et ses famines organisées, et l'enfant unique), jusqu'à saine résorption.

Bref, les Japonais se sont vus… trop, et rapidement se sont trop vus. Polis, mais par force: de quoi pêter un cable.

Cela rend agressif. Cette agressivité se résorbant maintenant en dénatalité, qui est, de fait, quand on y songe bien, la seule solution.
21 Mai 2015

 Avez vous bien considéré la signification des paroles des chansons "enfantines" suivantes: Auprès de ma blonde, A la Claire Fontaine, Au clair de la Lune, C'est la Mère Michel qui a perdu son chat, Frère Jacques, Au Palais Royal (où certes on trouvait beaucoup de "jeunes filles à marier" jadis!)etc…

Quand on se rappelle que ces chansons d'école maternelle (je suppose encore maintenant) étaient des chants de corps de garde, qu'entonnaient virilement les régiments des XVIIè-XVIIIè s., on en comprend mieux les paroles
03 Juin 2015
Le Tigre du bengale, le Tombeau Hindou:
Ces deux Fritz Lang font partie de mes films préférés. Parce que tout y est faux, de manière absolument criante. Du coup tout y est vrai. C'est ça le cinéma: un tigre empaillé, un spectacle de marionnette, une fausse bayadère bien blanche aux yeux bleus, des héros un peu nazis et des travestis, le club méd, de la bd.
08 Sep 2015
 Dheepan: j'ai trouvé ça bien. Bien joué, bien tourné, très esthétique, assez poignant, avec une vraie montée du tragique - et un basculement final dans "le film de genre" quasi-onirique, délibéré (Audiard a pensé à "Taxi Driver", c'est évident; voire même aux film Luc Besson, si si…). Très bon film, parce que fort, et compliqué, et pas agréable, pour personne.

Dans le contexte actuel, c'est une petite bombe sur le plan "politique", les réactions agressives d'une partie de la critique le montrent - au moment de Cannes, déjà, c'était frappant d'entendre les critiques français des media, incapables de commenter cette palme, donnée par le jury des frères Cohen (qui a sans doute trouvé la vision, expressionniste plus que réaliste, mais du coup bien réaliste quand même, des exotiques cités françaises, aussi pittoresque que le Baltimore de "The Wire"), et qualifiée sur le champ de "surévaluée", parce que le film est désagréable, notamment pour la France comme terre d'accueil - mais pas non plus dans le sens attendu.

On reproche à Audiard d'avoir un message "confus" sur la question des réfugiés, de la "déréaliser" (mais c'est justement à mon avis un film "sur-réaliste", au sens d'un peu hallucinatoire). Les Inrocks et d'autres semblent découvrir au bout de plusieurs films qu'Audiard, comme artiste, a une philosophie de la vie très anarcho-individualiste (comme son papa!), et que ce qu'il veut montrer n'est pas sympathique!

Certains "n'avalent pas" l'inattendue, mais somme toute logique, "happy end", que je vous laisse découvrir! Si c'est un film à thèse, c'est assez déprimant… pour la France - mais je crois que ça n'est pas que ça non plus… Ce qui est réussi, c'est que ces personnages de "réfugiés" ont leur mot à dire, ils sont forts, ils ont leur idée des choses, qui n'est pas non plus celle de "la France", et ça déstabilise le spectateur nombriliste - et du coup ils existent.

25 Mai 2015, 07:48
Ce qui ne m'amuse guère, c'est que J. Audiard m'a piqué une idée de scénario - si si, les forumistes en ont été témoins, mais les archives anciennes ont disparu. Certains se souviendront que, dans les vieux forums du Monde qui s'écharpaient autour de Gaza, pas mal d'interventions de votre serviteur semblaient énerver tout le monde, à la limite du bannissement, parce que pour apaiser les passions, je suggérais aux querelleurs de consacrer plutôt une part de leur énergie à parler du plutôt Ski Lanka et de la cause tamoule. Ou du Thibet, mais ça je crois que c'est cuit.

Cela dit, Audiard en étant palmé par un jury d'artistes étrangers à la fois talentueux, gentils, et indifférent aux querelles politiques et identitaires françaises, fait une bonne farce d'anar de droite aux commentateurs de nos media, qui vont être embarassés, avec son Rambo ou Charles Bronson tamoul, épris d'ordre et de propreté (il est le "gardien" de la cité!), qui nettoie les dealers institutionnalisés au fusil à pompe! Ah ben non, j'ai pas vu le film, mais c'est ça, non? "Un film de genre", dit Audiard, comme en faisaiant les USA dans les années 80, ou les asiatiques actuellement
15 Oct 2015

La pétition mentionnée ci-dessus, lancée par un certain Max Geller, et envoyée directement à Obama, dénonce Rénoir comme mauvais peintre: c'est le mouvement "Renoir Sucks!" Manifestation devant la Maison Blanche de 6 personnes, mais 1000 adhérents sur le net.

http://www.dailydot.com/geek/renoir-hat ... rt-museum/

Mais il ne suffit pas que Renoir peigne mal: le vrai problème, c'est qu'il était raciste, etc…: "His antisemitism, pederasty, orientalism, racism, chauvinism et al ad nauseum, are all paths that get us to [the] answer of how Renoir sucked." Que sa peinture purement décorative "helps no one", et notamment pas l'Afrique, le Tiers-Monde et les réfugiés. Et enfin, qu'il s'agit là d'art bourgeois de "dead white male": Another crux of Geller’s argument seems to be that there’s enough work by chauvinistic, white males on the walls of art galleries".

http://shine.suntimes.com/shade/10/154/ ... ad-painter

(Il va sans dire (dire pourquoi…) que le leader de ce mouvement, aussi activiste gay, porte des T-Shirt "boycot Israel", tout en dénonçant l'antisémisme de Renoir - confond-il avec le cinéaste?)

(il va sans dire aussi qu'on est possiblement là dans une sorte de happening humoristique d''art contemporain, où la parodie de tout devient insondable - ou bien justement non, ce qui est encore plus vertigineux)
Les zombies, ça se propage! J'ai mis du temps à taper ça (au lieu de m'enfuir devant "l'invasion" dont on s'inquiète dans d'autres fils), alors je le lègue ici à l'humanité…

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Le critique Jean- Baptiste Thoret (par ailleurs rédacteur dans Charlie Hebdo, tiens! - c'est lui qui a perçu aux USA la récompense pour la liberté d'expression décernée par le Pen Club) "estime qu'il existe un zombie par décennie"… Il serait intéressant de remonter un peu dans le temps, dans l'esthétique et la politique zombiaque.

On pourrait partir du "White Zombie" de V. Halperin (1932) le tout premier, histoire d'emprise vaudou en plein New-York, ou plutôt de "I walked with a zombie" de Jacques Tourneur (1943), qui se passe en Haïti: ces films anciens font du zombie ce qui rode aux franges obscures du monde brillant, raisonnable et civilisé - un versant "noir", magique et surnaturel. Mais le zombie y est alors encore un phénomène de lisère (inconscient, espace colonial…), une a-normalité, que l'on rencontre sur son turf, qui peut étendre une emprise, mais qui ne s'invite pas chez vous, en pleine lumière.
C'est ce que la fin du XXème siècle, et la suite, va changer radicalement: le zombie c'est ce qui arrive, il approche, il rôde autour de votre maison, non, il veut entrer, non, il casse la porte, et le voilà, non, plutôt, et c'est pire, LES voilà…

Parce que le zombie est le nombre. Il est l'autre de moi-vivant (puisque mort-); mais il est surtout Les autres, la masse des autres. Et cette altérité démultipliée, mais ramenée à une uniformité (même état morbide, même désir obtus, même absence de possibilité de raisonner un zombie, tous les zombies!) est ce qui fait peur : le zombie c'est l'Autre radical qui est en moi quand je n'ai plus le liberté; il m'effraie parce qu'il ne peut être, par mon regard, que déshumanisé; parce qu'il n'a pas besoin de vraiment conceptualiser ses besoins qui sont effectifs et "réels"; parce qu'il n'a pas même besoins d'être pleinement conscient d'un processus, pour y participer absolument, collectivement. En fait, le zombie est une forme humaine qui semblet absolument privée de liberté: il ne pourrait pas ne pas faire ce qu'il fait, et c'est de réaliser cela qui nous le rend si effrayant - je suis obligé de le réduire à quelques traits, parce que ce sont ceux qui sont évidents, et ce sont d'ailleurs les seuls qui m'importent: il veut (me) manger!

Pour s'en tenir d'abord au papa et pape du genre, Georges Romero:

1968: "La nuit des morts vivants" est évidemment traversé par la question des minorités et des mouvements sociaux aux USA - son héros est noir, et lutte pour survivre contre une société close et mimétique, autant celle des survivants wasp pleins de préjugés que des zombies contagieux (les mécontents agressifs). Il meurt à la fin, pris pour un zombie et tué par un policier.

1978 "Zombie/Dawn of the dead" est plus explicite encore, et élargit la focale au monde, et à l'anthropologie: l'épidémie commence dans un sous-sol d'émigrés clandestins jamaïcains, dont les morts se relèvent. Le zombi étant lié à l'esclavage, c'est comme si l'Afrique qui se vengeait contre ses exploiteurs occidentaux, en les contaminant, et en ramenant à une primitivité refoulée. C'est logiquement que la suite du film se déroule dans un centre commercial, lieu d'un consumérisme "civilisé" qui en fait reflète la faim dévorante des brimés de la modernité et du tiers-monde - le supermarché sera envahi, d'abord par des hells-angels, figure de la tentation de l'anarchie armée, puis ultimement par les zombies. Le héros (flic et noir encore) et une femme (blonde, enceinte) s'enfuient dans un hélicoptère dont le réservoir d'essence est presque vide.

1985: "Day of the Dead": très curieux film, où les zombies ont "gagné" par le nombre, et où l'humanité civilisée, retranchée dans des bunkers se réduit à des soldats et des scientifiques, qui cherchent comment survivre, c'est à dire comment "vivre avec" les zombies, en en tirant utilité et profit! A la fin, tout le monde sera mangé: les efforts de contrôle, de domestication des multitudes ramenées aux besoins primaires, par les armes, par la politique, par l'éducation (on essaye de "civiliser" un zombie!), par la science, échouent, on est submergés par le seul nombre… Tiers-monde montant ou, surtout, quart-monde incontrôlable, ça chauffe pour les "élites"

2005: "Land of the dead": ça y est, on a passé la barre de la mondialisation ("heureuse"), et dans ce monde déjà post-épidémique, l'humanité ce sont des riches retranchés dans des villas ultra-protégées (joués d'ailleurs pour la première fois par des stars reconnues - Denis Hooper, Asia Argento…), et des masses immenses de zombies derrière ses grilles électrifiées, foules affamées explicitement "non-occidentales" (le film a été attaqué sur une imputation de racisme, comme si le propos avait radicalement changé). Culpabilité foncière des 10%, ou des 1%? Peut-être, en tout cas le film montre un intéressant effondrement prévisible (les riches blancs sont mangés) facilité par le fait que certains humains vont, aux zombies, ouvrir les grilles…

(Je laisse de côté les "zombies italiens" des années 70, c'est autre chose, très catho vs gauchiste, et trop spécifique)

Hors G. Romero, ce que voit le cinéma post-années 1990, c'est l'avènement inédit du "fast zombie"! Le zombie classique était lent, assez stupide, on peut le fuir, et il n'est dangereux que par son nombre, qui submerge, et par son inéluctabilité bornée. Or, le zombie "rapide" contemporain court, vite ou même très vite; il est rusé, il a des tactiques: parfois même il parle: "Cerveaux…". C'est le mot d'ordre des créatures rigolardes et agressives du "Retour des morts vivants" de Dave O'Bannon (1985), qui à l'époque était une pochade cinéphilique, où les zombies se déguisent, mentent, cavalent… C'était prémonitoire, mais américano-américain (zombies crées par des déchets radioactifs). Mais quand on passe à l'échelle du monde "ouvert" post-guerre froide, où les frontières deviennent poreuses, le zombie se réactive à l'échelle globale pour ne plus faire rire. C'est arrivé près de chez vous, ou plutôt ça arrive, et… vite!

Passé l'an 2000, désormais, ils ne sont plus mous et amorphes mais, au contraire, dotés d'une vélocité et d'une force physique redoutables ("28 jours plus tard" de Danny Boyle, 2002 (un virus exotique), ou "L'Armée des morts" de Zack Snyder 2004), voire d'une certaine forme primitive d'intelligence. Même dans "Le Territoire des morts" (2005), qui marque le retour de G. Romero, le fait est avalisé: le "zombie nouveau" est nombreux, toujours, mais rapide, futé, affamé, il sait ce qu'il veut et comment l'obtenir. La perte d'emprise de l'Occident sur le monde comme sur son propre territoire est désormais admise, comme une fatalité. Que faire?

Et on en arrive au assez grotesque "World War Z", où le blondinet père de famille occidental Brad Pitt, hagard, voit toutes les cités du monde crôuler sous un flot ultrarapide de zombies frénétiques, qui comme la vague ou les insectes, se sert de sa propre masse pour avancer, en dévorant tout. Les seuls havres géopolitiques de ce monde noyé : Israêl et la Corée du Nord! Israël qui a édifié tôt un haut mur judicieux, le séparant des zombies agressifs, et la Corée du Nord isolée dont le régime a arraché toutes les dents des citoyens pour prévenir la contagion!! Quelles bonnes blagues dans ce scénar, que l'on doit par ailleurs au fils de Mel Brooks, max! Ce qui sauvera le peu d'humanité, retranchée aux pôles? Le fait que les zombies, épuisés, ayant tout mangé, tombent en léthargie, ce qui donnera une occasion de rebondir, grâce à la science…

C'est riche, le zombie, c'est l'actualité, assurément.

La série à succès "The Walking Dead" me semble moins géopolitique: elle a la particularité de se passer après le "succès" des zombies, et en fait se focalise sur le "faire-société" des survivants humains dans les ruines. C'est une autre problématique, plus "alter-" je ne sais quoi, sur la refondation du politique.

En revanche, ce qui étonne depuis toujours, c'est ce paradoxe: le zombie veut manger, mais il n'en tire pas réel bénéfice (il continue à se décomposer); et ses victimes mordues sont contaminées et se transforment en zombies; mais s'il les mange complètement, il n'y aura pas contagion. La zombification ne se propage donc que par un contact brutal mais non-mortel, et le zombie comme "espèce" ne prospère pas tant du fait qu'il détruit les humains, mais qu'il les convertit, pour leur faire partager sa vision des choses - et c'est non-réversible… Intéressant, non?


Bibliographie:

Jean-Baptiste Thoret (dir.), Politique des zombies, l'Amérique selon George Romero , Ellipses, 2008.
Thomas Michaud, La zombification du monde, Marsisme. com, 2009
Julien Betan et Raphaël Colson, Zombies !, Les Moutons Electriques, 2009
Maxime Coulombe, Petite philosophie du zombie, Presses universitaires de France, 2012.
Philippe Charlier, Zombis. Enquête sur les morts-vivants, Tallandier, 2015.



17 Sep 2015
La suite, tirée d'un échange avec Khee Nok:

(ce dernier, ici un peu trop généralisateur à mon gré): "Bof. C'est plus ou moins une ressucée du truc des vampires."

(Moi, aka le cuistre ès morts-vivants): "Aaah justement non, pas tout à fait!

Le vampire est aristocratique, il exploite un cheptel humain, depuis son caveau, tout en restant le plus possible en coulisses; ses victimes, il les approche par la séduction et la fascination, les saigne lentement avec leur semi-consentement, et il transmet le vampirisme uniquement à ceux qu'il juge digne de ce don. Sa non-vie est vacante, ritualisée, vaine et stérile, mais somme toute active, souvent assez fastueuse, et bavarde: il a même des états d'âme. C'est une figure de l'exploiteur, de l'ancien régime, de la finance ou du CAC 40. Il ne vise pas du tout à ravaler le monde à son image personnelle, mais à maintenir et propager un statu-quo qui l'avantage l'exception capitalo-libertaire qu'il représente. Personnellement, il reste en général reclus dans des micro-sociétés de privilégiés/maudits: il est réactionnaire, parasitaire, artiste, joueur, jouisseur/puritain (et jouant sur les deux tableaux), séduisant/repoussant et donc de droite.

Le zombie est lumpen-; il est d'abord, tout en partant de peu, le nombre, le nombre croissant - et le superflu du trop nombreux. Car il est fondamentalement inutile et inoccupé - jadis prolétaire, il ne l'est même plus (dans certains films, quand il n'a pas de proie, il refait machinalement les gestes de sa profession ou de sa vie d'avant, dont il porte les oripeaux, de plus en plus inidentifiables). Il ne ferait qu'errer en vagues troupes, hébétées et non solidaires, s'il n'y avait pas le besoin collectif: la faim. Ce damné de la non-mort, sans conscience ni jouissance, ce chômeur de la non-vie aimerait bien au moins consommer - la chair des vivants , ce qui à la base se comprend. Et si l'épidémie se propage, ce n'est pas de son fait, mais parce qu'il n'a pas réussi à simplement tuer, qu'il n'a pas encore tout dévoré. Entrer en relation avec lui ne peut se faire que sur le mode de la fuite, de la destruction de l'une ou de l'autre partie - et une fraction des humains aura, à ce contact, malheureusement changé de camp, même inintentionnellement, contaminés en combattant, en se cachant lâchement, ou par sous estimation du danger - ils seront le plus souvent irrécupérables. Le zombisme est viral, massif comme les forces biologiques (sa logique de propagation est mathématique, donc démographique), et de l'Histoire (son progrès est nettement territorial).
Il est donc également… révolutionnaire, voire utopique, puisqu'il offre un ordre nouveau et "naturel", simple à embrasser et destiné à tous. Le triomphe du zombi révèle par les faits le vide de notre société en la remplaçant par son simulacre parodique et putréfié. Il est ainsi lumpen-, disais-je, donc tiers-mondiste, quart-mondiste, banlieusard, clodo, nomade et local, religieux (il a la foi et pas de doutes, s'il n'a pas de conscience) et progressiste (c'est à dire qu'il progresse…) à la fois, il est l'exclus qui va nous inclure par le nombre. Il serait, si Marx ne nous avait pas mis en garde, et s'il avait un soupçon de recul politique, de gauche. Mais extrême, alors: "debout les damnés de la faim"?…

Le zombie est donc l'inverse du vampire: le vampire figure un pseudo-libertaire de droite, qui peut séduire la gauche sur le plan de la jouissance - mais qui s'avère finalement être un banal capitaliste et un intégriste; le zombie est en revanche l'acteur dépersonnalisé et collectif de l'Histoire post-moderne ou de la Nature, pitoyable, mais effrayant, qui peut figurer ce que la droite se représente, en un cauchemar, être l'aboutissement ou la conséquence de ce que représenta historiquement la Gauche des "Temps Modernes" (la revue de Sartre!).

Khee Nok, ici très pertinent:

"Je pensais juste au mode de transmission. Pour le reste, en effet, tout oppose le vampire aux zombies et je souscris pleinement a votre analyse. Classe sociale, origine geographique, moeurs, culture, habitat … Je suis sur que leurs enfants ne vont meme pas a la meme ecole. Et fondamentalement: le zombie est mort, de plus en plus mort, alors que le vampire est (sauf accident) immortel et immarcescible. On devrait donc s’attendre a ce que l’humanite disparaisse en laissant face a face des hordes de zombies face a une poignee de vampires …"

Moi, fataliste:
"Eh oui. Et on y est, justement!…"
31 Déc 2015
Sur le roman (Prix Goncourt) de Mathias Enard, que j'ai lu.
Mal écrit, assez banal dans son thème (encore un roman sur des thésards! ici "orientalistes", certes - et qui pourrait encore être sous-titré, comme chez Despleschin, "Ma vie sexuelle…" lamentable), mais correctement composé, nettement mélancolique et finalement assez prenant. Mineur, mais pas mal.
Je conseille de lire ce livre de manière assez soutenue - ce que j'ai fait, en une seule session - sans quoi ça se défait: comme toute l'histoire est remémorée au cours d'une nuit d'insomnie, en quelques heures, il me semble qu'il faut adopter cette temporalité, lire vite - et ne pas se laisser impressionner par le flot de références érudites (pas tant que ça en fait: en général ce qu'il dit des auteurs, allemands ou iraniens, est assez basique), qui ne sert, à mon avis, qu'à montrer à quel point ces personnages de lettrés vivent en dehors de l'histoire, dans le passé fantasmé donc fictionnel, et les entrecroisements d'imaginaires…

Un petit passage? (p.162):

"Quelle maladie de désespoir avons nous pu contracter, (…) quelle douleur, comme Lamartine au Liban, nous a secrêtement ravagés, douleur de la vision de l'Origine ou de la Fin, je n'en sais rien, la réponse n'était pas dans le désert, pas pour moi en tout cas, mon "chemin de la Mecque" était d'une autre nature…",

constate le narrateur (autrichien) en passant par Palmyre - se demandant, avec lucidité, d'où proviennent, sur l'Orient, les illusions dont se bercent les "orientalistes" - d'où leur fatale et inéluctable désillusion…
13 Jan 2016, 19:13
Je remercie James , à l'occasion de leur commentaire sur Bowie, "hippie de droite" et individualiste décadent (ah bon!), de me faire découvrir le site de "critique communiste" de "lesmaterialistes.com", car il est à la fois admirable de logique interne cohérente et obtuse, et, bien sur, à mourir de rire!

http://lesmaterialistes.com/

Ce degré de naïveté indignée, ébahie, prudhommesque, et se voulant pédagogique, ne peut qu'être absolument concerté, dans un but à la fois sérieux et parodique, disruptif donc! C'est de l'art contemporain, ou de la blague - mais sérieuse, alors, disait Flaubert.

Les communistes et l'art, ça été le "mentir vrai", maintenant c'est bel et bien le spectaculaire intégré!

Un exemple - admirable, insondable, sic!:

"Dana Hastier, ennemie du peuple, supprime l'émission «30 millions d'amis»
On ne dira jamais assez à quel point le vote Front National est aussi l'expression d'un certain ressentiment face aux notables. Sans vouloir, pourtant, les renverser, les supprimer : l'idée est de les renouveler, de leur faire peur, en montrant qu'ils pourraient être remplacés. Cette conception fasciste ne correspond pas à notre époque et la manière avec laquelle France 3 a supprimé l'émission hebdomadaire de « 30 millions d'amis » le prouve encore une fois..."

D'autres, sur Tintin, que je trouve bien plus ingénieux, et même pertinents:

"Haddock et Céline, la dimension sociale-féodale du personnage
Cet article se concentre sur le capitaine Haddock, un personnage central dans Tintin dont les injures si caractéristiques sont directement inspirées de l'écrivain fasciste Céline..."

"Tintin contre les animaux
La cruauté envers les animaux n'est pas cantonnée aux vignettes de « Tintin au Congo ». Chacune des aventures est l'occasion de montrer la domination de l'homme européen sur la nature. Tous les livres pourraient être intitulés « Tintin contre les animaux ».

"Les femmes dans l'univers de Tintin
Les femmes sont quasiment inexistantes dans Tintin, une caractéristique qui révèle à elle seule la misogynie des albums de Tintin. La Castafiore est le seul personnage féminin qui vienne à l'esprit et cet article s'attache justement à analyser la portée idéologique de son personnage. En fait, la misogynie de Tintin est directement corrélée au catholicisme qui imprègne les histoires de Hergé. Nous verrons aussi que, dans la logique mystique (et fasciste) de Tintin, les héros masculins parviennent à découvrir les "vérités cachées" du monde alors que les femmes sont elles irrémédiablement soumises à la superstition."

Et les Schtroumphs, alors?
14 Mars 2016

"The Assassin" m'a fait penser, en film "wuxia" (de sabre chinois), à l'équivalent de Brian Eno en musique (un peu post-Satie, un peu chic-stylé), ou à de la musique minimaliste… - le principe du "less is more", du retranchement, qui dégage la matérialité de chaque note. De même que, dans le film, la princesse qui joue de la cithare ne joue pas exactement une mélodie, mais une série d'accords plaqués ou glissants, qui forment finalement, un air ou un récit, où l'important ce sont les vibrations, et les espaces de silence qui les séparent…

Beaucoup aimé. Mais… je serais tenté de dire "mais" - la dimension d'hommage (à King Hu, à la peinture chinoise…), la stylisation raffinée, l'abstraction finalement de la fable, tout cela m'a semblé un peu manquer d'intensité, d'urgence. J'avais jadis été ébloui par la somptueuse langueur, immense et douce-amère, de "Fleurs de Shanghaï", je suis juste content de ce film, qui reste en mineure, et pas touché à vif.

Quoique, cette façon de dire des grands chagrins de façon feutrée, c'est admirable quand même… Je pense que ce film peut prendre de l'importance et de la vraie profondeur quand on y repense, c'est déjà le cas pour moi.
16 Mai 2016, 08:07
Michel Houellebecq, en réponse aux critiques en imprudence ou en islamophobie faites à son "Soumission", en 2015, avait répondu: "Je ne suis pas un intellectuel. Je ne prends pas parti, je ne défends aucun régime. Je dénie toute responsabilité, je revendique l'irresponsabilité, même, carrément." L'artiste ne peut être contrôlé, moralisé, récupéré: "«Mon rôle n'est pas d'aider à la cohésion sociale. Je ne suis ni instrumentalisable, ni responsable» a-t-il ajouté juste après les attentats de Charlie Hebdo.

Les responsables socio-politiques idiots qui ont voulu instrumentaliser, récupérer Black M, en le faisant chanter à Verdun - pour faire œuvrer ses chansons à la "cohésion sociale" - auraient du méditer cela, et lire ou écouter ses paroles. Black M lui même signala, en disant qu'il allait faire un concert comme les autres (à savoir clamer du rap de la Porte de la Chapelle, communautariste, virtuose, faussement jovial, cathartique, broyage de langue d'ego et d'identité franco-africaines - et pas du catéchisme républicain) a été bêtement sincère: il se savait "irresponsable", en cela que son "art pour l'art" n'accède à une moralité fragile et réversible qu'au degré trois (voir ci dessous), puisque la matière majoritaire de ses paroles, c'est… le Mal.

Cela, Black M, ("black" pour la peau, mais aussi pour la nuit noire de la morale égarée - "M" pour "mesrimes", en écho, dit-on, à Mesrines, ennemi public n°1 & braqueur facho-libertaire mort en St Sébastien comme on sait) est en effet un héritier de Baudelaire - certes ici de rue ou de cour de récré. Il chante l'emprise du Mal, la constitution d'un Idéal frelaté, & l'aspiration tardive au Bien, mais la réaffirmation de la Révolte donc du Mal… comme voie paradoxale vers le Bien: c'est un Satan romantique (ou, comme il dit, un Sheitan, plutôt - tiens, Vincent Cassel, nommément cité comme modèle de vie et de conduite, a joué aussi bien dans "Mesrine" que dans "Sheitan"…)

"Irrécupérable", Black M l'est assez, et ce dans tous les sens possibles - même sur le plan de son intégrité ou de la "valeur" de sa musique: parce que la posture est cliché, et qu'il n'y a eu qu'un Baudelaire, on ne peut même pas dire qu'il soit, ni subversif, ni non-subversif. Peut-être est-ce là l'échec de l'artiste, mais on ne peut lui contester la création du malaise… Voyons deux chansons presque au hasard. "A force de", et "Je ne dis rien".

Dans "A force de", le chanteur dit lucidement un égarement, et même le confesse:

http://www.paroles.net/black-m/paroles-a-force-d-etre

"À force d'être dans le haram, j'ai niqué ma life
Mais, eux, ils ne le voient ap parce que, quand j'kick, ils m'acclament
À force d'être dans le haram, j'n'y vois plus que du black".

Le "haram"? Pour le musulman revendiqué qu'est Black M, c'est classiquement: la rue, la musique, la vie de boites de nuit, la boisson, voire la drogue, le donjuanisme avec les filles faciles, l'inflation de l'égo, vanité et colère, et en plus frapper sa femme et briser son couple… Mais de cette "mala vita" vient l'inspiration des chansons, l'identité de chanteur, et le succès même:

"…dans ma vie, je fais qu'du sale
À force d'être dans le haram, bah, forcement, du biff, y'en a
Et elles veulent toutes montrer leur cavu, comme cette pute de Rihanna
À force d'être dans le haram, au 'tier-quar', j''ves-qui' tous les 'res-frè'
Parce que, au lieu d'apprendre leur sourate, les petits, ils chantent tous mes refrains
À force d'être dans le haram, j'suis un mec de la night"

Ce mauvais sujet est donc le Mauvais Exemple, la part maudite de la communauté, le mouton noir, qui "esquive les frères" (les musulmans moralisateurs, donc le Bien), et ne change pas de vie, tout en y voyant un suicide - et qui corrompt la jeunesse!

"À force d'être dans le haram, j'n'ai plus aucune limite
Ne m'prenez pas pour un exemple, ouais, j'm'en branle que le petit 're-frè' m'imite

À force d'être dans le haram, Big Black M a l'plus gros des égos
J'parle en connaissance de cause, me demande pas si ça va
À force d'être dans le haram, j'vais devenir fou, oh mon dieu"

Comment peut-on vouloir faire servir cette chanson, plus verlainienne que baudelairienne peut-être, "socialement" à quoi que ce soit? Elle dit une impasse, car elle montre que vouloir vivre & être, c'est vivre le Mal même, et que le Mal séduira jusqu'à ceux qui tirent plaisir le pervers de sa (vraie-fausse) exhibition, qui est une (vraie-fausse) dénonciation… Si on en fait une chanson de repentir, c'est oublier le paradoxe du fait que Black M s'y montre à la fois perdu dans une forêt obscure, mais impénitent. Si on veut en faire une chanson sur la liberté, l'indépendance par rapport à la morale (islamique ou autre), c'est oublier que ce sont, bien sur, les "frères", ceux qui disent le "haram" et le "halal", qui ont objectivement raison, en tant que voix de la Communauté, qu'ils sont bel et bien le Bien - et que le rap, c'est le Mal, pas le Bien - même quand il est désir ou nostalgie du Bien. Et que c'est ce pour quoi les jeunes l'écoutent… pas pour commémorer, mais pour vivre la "night"…


Autre chanson: "Je ne dirai rien".

http://www.paroles.net/black-m/paroles-je-ne-dirai-rien

Ici s'ouvre un pseudo-dialogue avec une femme de la "night", critiquée pour son narcissisme, son matérialisme, son attrait pour les choses qui brillent - auquel Black M adresse, mais sous la forme perverse de la prétérition, une sorte de réprimande moralisante, comme en pourraient, pour le coup, en servir des "frères" jugeant sa vie très "haram"… Là où ça devient louche, c'est quand, ajoutant aux reproches "d'ami", Black M fait savoir, de façon socratique, que si la dame se conduit en pouffe, elle sera traité comme telle:

"Et tu m'dis : Pourquoi j'trouve pas d'mecs bien ? Pourquoi les mecs s'comportent tout comme des chiens ?
TA GUEULE ! Parce que t'es stupide
Matérialiste, cupide, stupide, stupide, stupide, stupide
Et tu te crois super intelligente et mature
Hélas, la seule raison pour laquelle on t'écoute sont tes obus
Sinon t'as pas un 06 j'crois que j'ai l'coup de foudre
Eeeuh non ! bon ok vas te faire foutre"

Cette fille intéressée ("Big Black M ! Pas du genre à se faire piquer par ta taille de guêpe Trop cash peut-être, parce que je sais qu'le mal me guette Je sais que c'est bête, mais t'es la juste parce que j'ai cé-per. Et si moi je suis un macho, dis moi toi t'es quoi?"), en fait est comme un miroir du chanteur - les damnés de la "night", de la mauvaise vie, se rassemblent, se ressemblent tous. Et de nouveau, le chanson devient le miroir de la conscience : "Les yeux plus grands que le monde" est le titre de l'album.

Tu vis dans tes idéaux donc t'as délaissée l'bac
Tu ne mérites que la Clio mais tu veux la Maybach
Tu regardes les gens de haut, les yeux plus gros qu'la black card
Carlton et les beaux tels-hô vu qu'tu sautes les étapes
Toujours une nouvelle envie chaque seconde, rien est assez bien pour oit
Faudrait qu'on t'offre les merveilles de ce monde, bien emballés dans une boite"

Syllogisme: si la fille matérialiste semi-pute est cette chercheuse "d'idéal" aux "yeux plus gros que", alors le chanteur n'est pas différent d'elle: lui aussi est, somme toute, cette prostituée affamée attiré par ce qui brille. Et ils se trouvent, dans l'enfer de la "boite", comme semblables damnés - la moralisation se situe donc au niveau deux ou trois, le stigmate du Mal englobe toute une humanité enfermée dans le faux - qui est pourtant le seul vivable. "Mon enfant, ma sœur"… Baudelaire encore, surtout dans ce poème ("Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre…"):

"Pour avoir des souliers elle a vendu son âme.
Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme,
Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur,
Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur."

Black M se hausse-t-il jusqu'à comprendre sa mauvaise foi, et retourner en ironie contre lui son "Je ne dirai rien", digne de Tartuffe? Je crois que oui.

D'autres, des féministes (bien sur!) pensent que non - et qu'il insulte la pauvre fille, justement parce qu'elle vient s'offrir, mais finalement ne couche pas: le double-bind du macho, qui veut des filles faciles et après se plaint de ne pas pouvoir les respecter! Le moral et l'immoral, le désir et la conscience, la halal et le haram comme double piège sans issue…

http://www.lecinemaestpolitique.fr/foru ... epugnante/

(une féministe, ci-dessus: "Je ne comprends pas que cette chanson ne soit pas plus critiquée, à chaque écoute je me sens personnellement insultée, je sens l’ensemble des femmes cherchant à exprimer leurs beautés et leurs indépendances insultées, je sens aussi des hommes ne répondant pas à ces stéréotypes machistes être insultés. Il n’y a aucun respect et plus que tous je me sens inutile et impuissante face à cette chanson qui envahi les oreilles des plus jeunes générations en pleine apprentissage des valeurs de la vie. Voilà qu’elle sera leur valeur : nous des grosses salopes, et ne nous plaignons pas de nos malheurs, c’est forcément de notre faute ! (…) On pourrait peut-être écrire en masse aux radios pour ados qui diffusent cette chanson, leur expliquer poliment ce qui nous choque et leur suggérer d’organiser un débat sur le slut-shaming et la culture du viol à une heure de grande écoute."

Ah oui, mais Black M le sait: les ados l'écoutent, et ils l'écoutent parce que ce qu'il dit, c'est en effet, en quelque point qu'on le prenne, l'absence du Bien. C'est la "Night", c'est la Réalité… C'est irrécupérable, même pas subversif, complètement commercial, comme tous les poisons modernes qui se vendent en boite… C'est pas éducatif, mais c'est éducateur, c'est Black Baudelaire frelaté, jouisseur, doloriste et pervers, débité au kilomètre - c'est le Mal.

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Cela n'avait donc rien à faire à Verdun - où il ne s'agissait pas de chanter le Mal comme condition existentielle, mais de le dépasser par le Haut. Il y fallait de la musique, sans paroles, et pas de la poésie de bastringue, pas du rap de "sheïtan" de boxon. Contresens intéressant, par ailleurs: en voulant convoquer un mini-Hugo consensuel, anti-raciste et républicain pour les "jeunes", les organisateurs se sont adressés à un "Baudelaire", certes de sous-préfecture, black & nihiliste - et ouvraient de ce fait la voie, soit à du Céline, soit au repentir au profit des Frères musulmans ou pire…

Allez, repos: si l'artiste Black M est "irrécupérable", l'individu Alpha Diallo sait quand même très bien où il (et son public) se situe : (2013) "Bon ramadan a tous les musulmans du monde entier! Pendant 1 moi m apler plus BlackM mais monsieur Diallo le villageois! Bon ramadan à tous!" - le tout main sur le Coran, photo à l'appui - Quoi? Mais alors, "BlackM" c'est juste un rôle, un costume de nuit que M. Diallo peut poser en se vouant, un mois durant, au Bien prescrit par la communauté? C'est donc que du Spectacle, tout ça, de la comédie, un satan de pacotille? Oooh, décidément, la chanson, le show-biz, c'est pas sérieux. Ou alors c'est encore de la poésie vulgarisée,devenue vieillote - Baudelaire "sataniste" catholique, Verlaine débauché bondieusard… La "poésie" non plus, pas sérieux. Reste la musique…


La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile…



19 Mai 2016
toutes mes analyses sont invalidées, depuis que j'ai entendu cet après-midi sur France Culture des édudits apologistes du rap, dont un type directeur général de Skyrock, nous rappeler l'essentiel sur Black M: ce désormais "pur entertainer" inoffensif, aux 700000 albums (!), dont "le public est composé de jeunes filles et de familles", est plébiscité surtout par les "pré-pubères" (pas que par eux, mais en masse). BM est "une des personnalités préférées des jeunes Français". La preuve en est que dans la catégorie des artistes aimés par les… 7-14 ans, il arrive en position 5ème - palmarès publié dans… Le Journal de Mickey!!!

"Comme chaque année, Le Journal de Mickey a mené (avec Ipsos) sa grande enquête sur les personnalités préférées des 7-14 ans":

TOP 10:
N° 1 Cyprien
N° 2 Norman
N° 3 Kev Adams
N° 4 Maître Gims
N° 5 Black M
N° 6 Omar Sy
N° 7 Louane Emera
N° 8 Kendji Girac
N° 9 William Lebghil
N° 10 Stromae

http://www.franceculture.fr/emissions/d ... 9-mai-2016

https://www.journaldemickey.com/actus/e ... du-sondage

Black M n'est donc même pas un sous-Baudelaire-Rimbaud -Hugo, c'est Casimir qu'on invitait à Verdun!
Casimir ("je suis un mosntre qui fait rire!…", ou Guignol?

Analyses invalides, alors, que de mobiliser le XIXème siècle et la notion d'"Art", pour commenter ce qui est déjà bien du XXIème siècle, où la lamentation rappée du mauvais garçon "haram" mais gentil vise juste faire tripper les petits zenfants dans les langes?
Finalement, l'artiste comme saltimbanque/clown triste, pierrot tout blanc grivois & une larme au coin de l'oeil, & qui finit en peluche ou poupée dans une chambre de petite fille… ça continue à coller.
Parlons alors simplement d'une déclinaison de l'art officiel (celui adoubé par la République) vers l'infantile, l'art naïf ou brut, le musée des colonies…
lun. sept. 26, 2011 
"Chroniques oubliées"  ça marche très bien - sachant que j'ai fait jouer les 4 scénarios liés de la boite "CO" en Castles & Crusades, l'histoire, assez classique pour des adultes, a beaucoup plu aux enfants, ne serait-ce que parce que chaque épisode se passe dans un "lieu" différent (village, forêt, cimetière, château). Seule remarque: j'ai édulcoré un peu le côté "horrifique" du scénario 4 (les morts-vivants sont trop affreux!).

D'ailleurs, autant que le système, à mon avis, la question a se poser quand on veut faire jouer des gamins, c'est le degré de violence, de suspense, d'épouvante, et de "réalisme" que l'on veut mettre, en tant que MJ, pour ce public donné.
Est-ce que les gobelins vont être tranchés en deux dans une gerbe de sang, ou juste assommés par les coups de hache? Est-ce que les personnages-joueurs peuvent effectivement mourir à 0 hps, ou bien est-ce qu'ils sont juste mis hors de combat pour la scène en cours? Cela dépend de l'âge des enfants qui jouent, & de l'ambiance que l'on veut susciter: aventure périlleuse, ou merveilleux bon-enfant.

Récemment, j'ai fait jouer (toujours C&C) des enfants un peu plus grands (10 à 14 ans, des préados, & que des garçons), ayant vu les films "Seigneur des anneaux" & cie: je leur ai demandé "qu'est-ce que vous voulez, comme type d'histoire?", ils m'ont répondu "on veut massacrer des tas d'orcs", alors je leur ai fourni ça, ils étaient contents, & dans la bataille finale (qu'ils ont remporté, moi-même je n'y croyais pas, contre des hordes d'ennemis) il était convenu entre nous qu'ils étaient prêts à tomber en héros. C'était plus "tendu" & plus baston comme ambiance, que les parties avec des joueurs plus jeunes (ou avec des filles), où beaucoup de choses passent par le dialogue, & où en gros la plupart des monstres ne sont pas si méchants que ça…

ven. oct. 14, 2011 
Joué avec mon fils (9 ans) à "On Mighty Thews" - un petit scénar trouvé sur le net (écrit pour "Dungeon Squad", qui est très proche).
Il jouait une sorte de barbare, moi un sorte de voleur/mage (tout en faisant le MJ, de façon, comme toujours, impartiale & désimpliquée!).
Ben, il a détesté: "c'est trop simple"!
De la même façon qu'il a rejeté DD4: "c'est trop compliqué".
Son système de référence (& de sa sœur) reste donc: Castles & Crusades (qu'il nomme "Donjons & Dragons, le vrai")…
mer. déc. 29, 2010

Juste un petit CR-D&D Noël :

Hier après-midi, scénar en 3 heures, qui a conduit Moldok le prêtre de Kord, Arboce le barbare et Andragor le ranger-druide elfe noir, tous de niveau 5, dans le grand Nord (monde de Greyhawk: frontière du Perrenland & des terres des Nomades du Loup, précisément à Traft, puis à Ungra Balan… si si). (Euh, c'est en gros vers… B5 - 77, puisque vous le demandez instamment).

Système: Castles & Crusades (version ADD3). Module: Goodman's Games DCC n°
43, "Curse of the Barrens", présenté comme incluant: "barbarians, visions, totems, ice monsters, & creatures of the North!". Comme il fait plutôt froid ici, je me suis dit que ça ne dépayserait pas trop. Bonne ambiance, facilement transposable pour du Conan, par ailleurs, me suis-je dit.

On a vivement mené 80% de l'histoire, on aurait pu tout finir en un après-midi, mais la nuit tomba… Le point fort de cette petite session, finalement pas si "barbare" que ça, c'est que l'essentiel s'est passé en blabla & en négociations avec les barbares, & qu'il n'y a pas eu du tout de mort d'homme - vu que les persos ont bien précisé qu'ils se contentaient d'assommer, à la Astérix, les barbares irréfléchis (& cousins d'Arboce par ailleurs). Seuls un sanglier & un glouton teigneux ont été victimes de cette histoire. RIP, wolverine.

Note: grâce aux Mp3 de "cris d'animaux" sur le net, tous les bestiaux du scénar ont poussé des beuglements idoïnes, ça a bien contribué à l'ambiance. De même pour le vent du Nord, les craquements de banquise, et un occasionnel lightning bolt. Pas mal, les banques de bruitages. Sans préparation à l'avance, on trouve vite ce qu'on veut.

Un très bon moment, aussi, classique, qui a concerné le clerc: la fuite éperdue devant une grosse bébête old school - le perso s'en est sorti en sautant dans une rivière gelée - le sort de résistance contre le froid a été pour une fois bien utile!:

De retour chez les marchands de fourrures, les persos ont recruté pour retourner dans le glacier: il ont déjà engagé 5 henchmen barbares (ben oui, c'est old school, donc on a des hirelings/henchmen si on veut - autant que le charisme l'autorise), et un voleur nain (eh, c'est mon propre perso… on verra comment je vais l'inclure dans le propos).
lun. mai 04, 2009 
 je vais faire jouer le H2 sous peu - pour notre part, dès qu'on a fini "Island of the sea Drake" de chez Goodman's.
On joue DD4 avec une nette coloration "Swords & Sorcery" (facile, d'autant plus que mes joueurs n'aiment pas trop jouer des "classes à sorts"), et en mode assez "gritty". J'ai, presque depuis le début, divisé par 2 les points de vie des monstres, c'est plus rapide et brutal, comme ça nous plait - et pas trop déséquilibré. Mais je n'ai pas divisé encore ceux des persos, qui pour le moment en ont bavé assez comme ça. Ceci dit, cela change, les persos montant de niveau, et les joueurs commençant à vraiment comprendre les combos du jeu, et je me demande si ce n'est pas à envisager aussi. 
 
ven. janv. 02, 2009 
Il y a trois jours, à Paris, mes vieux joueurs parisiens ont rejeté le DD4 (niveau 2, "The Mysterious Tower", module Goodmans Games) que je leur proposais! Décidément, ils ont un problème avec le système 4e - ils trouvent que c'est "ennuyeux", surtout la magie! C'est aussi de ma faute, je leur avais fait l'article de Dragon Warriors (réédité il y a peu chez Moongoose).

Alors, on a fait le scénar introductif du livre de DW, "Darkness before dawn".
Très très old school comme ambiance! Tirage des persos en 5 mn par joueur, noms de persos rigolo-pourris (du genre "Lance de Daix" pour le chevalier, ou "Ozzie" pour le barbare celte); de mon côté, j'avais opté pour une ambiance assez "Jabberwocky", un peu misérabiliste, mortelle mais marrante: le jeu y invite un peu, le scénar aussi - qui prévoit entre autres (SPOILER, mais pas trop grave, je crois) une terrible confrontation avec un écureuil diabolique!
On découvrait le système: c'est un vrai poème! Pour l'ensemble, ça marche. Mais semble-t-il la réédition ne change pas grand chose aux règles des années 80. Et du coup, cela ressemblait beaucoup au joyeux foutoir approximatif de notre temps de AD&D. J'ai passé 10 mn à (ne pas) trouver la table des chutes de cheval, que je croyais avoir entrevue - sachant qu'il n'y a pas du tout de règles précises pour monter à cheval, hors la mention du fait que les chevaliers peuvent le faire! L'élémentaliste/druide du groupe a découvert que, à la différence du Sorcerer, il n'y avait dans sa liste aucun sort de guérison des blessures. Et le dit Sorcerer est devenu fou, de façon définititive (! il a fait 6 sur la Table de Madness!), en assistant à l'assaut de deux Chiens d'Enfer. Bonne soirée. Tout le monde a bien ri, et a globalement apprécié le système (ou son absence!), & surtout l'ambiance. Old school, donc!
Pour ma part (j'en reparlerai ailleurs), je suis très enthousisamé par l'option "médiéval réalism" à la Chivalry & Sorcery - mais j'ai déjà passé des heures sur le net à piocher des règles supplémentaires, de qualité très variable d'ailleurs, produites par les anciens joueurs. Et je trouve que, pour l'instant, les rééditeurs ont fait un travail honnête mais minimal: l'édition est superbe, fidèle sans doute à ce que les vieux fans attendaient, mais quand même, quels "trous" immenses dans les règles (équitation, bon sang!)! Un "advanced DW" s'impose! (un groupe yahoo y travaille)... Pour l'instant, j'ai un peu l'impression que les éditeurs de DW me disent: "do-it-yourself" - ça c'est très old school aussi, mais hélas j'ai pas trop le temps!