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dimanche 19 décembre 2021

Philippe Sollers:

 « Aux États-Unis, le mot qui revient le plus souvent dans le petit imaginaire des gens qui se racontent des choses sexuelles, c’est le terme « bisexuel » ou encore mieux « androgyne ». Étant donné que le pouvoir féminin là-bas est une réalité palpable, cette croyance à l’androgynie, où vous reconnaissez sans peine le gros succès, définitif peut-être, de Jung, est une chose intéressante. Des femmes, par exemple, croient qu’un transsexuel peut arriver réellement à changer de sexe, exactement comme Schreber pensait que peut-être, en s’enlevant ce petit machin qu’il avait, il deviendrait la femme de Dieu et qu’il réenfanterait l’humanité. On dit qu’il n’y a pas d’idéologie aux États-Unis, mais si, c’est celle-là. » (La notion de mausolée dans le marxisme, décembre 1976. Fugues, folio Gallimard)

 

Pierre legendre:

« Nous assistons aujourd'hui, dans nos sociétés que je qualifie de post-hitlériennes, dans un style autre que le style tyrannique du banditisme hitlérien, cette fois dans la convivialité, l’esprit soi-disant démocratique, la liberté sans frein..., nous assistons au triomphe de l’expérimentation humaine. /…/ je suis étonné qu’on laisse se développer une barbarie qui n’a rien à envier, bien que dans un autre style, à l’esprit du Docteur Mengele. Nous sommes plongés là dedans. Donc, si on parle d’anthropologie, de quoi parlons-nous? On parle aussi, en fait, de quelque chose qui n’a pas de nom et se traduit par la psychotisation des peuples. C’est un problème gravissime. On en a une petite idée avec la barbarie des islamistes fondamentalistes, intégristes... Nous sommes donc dans l’escalade des obscurantismes. L’obscurantisme occidental, qui est un obscurantisme psychotisant, post-hitlérien, trouve aussi sa réponse dans un "je suis encore plus barbare que toi". C’est un cercle infernal qui est ouvert. Et je ne vois pas qu’on fasse autre chose que d’enfermer ces questions dans les nouvelles idéologies universalistes (notamment à base de sexe) ; c’est un combat, et nous verrons où il mène, certainement pas à la démocratie universelle ni à la paix universelle. » (Vues éparses. Entretiens radiophoniques avec Philippe Petit. Editions Mille et une nuits, 2009).

« Aujourd’hui j’ajoute : l’humanité est poussée, du Nord au Sud, à vivre au-dessus de ses moyens psychiques. L’impossibilité de faire admettre ce constat se trouve redoublée à l’occasion de la lutte contre l’épidémie du terrorisme djihadiste : le nécessaire retour sur soi, sur la débâcle généalogique, masquée en Occident par un libertarisme débridé, demeure irrecevable. S’en remettre à l’armée et aux forces de police ne suffira pas, si la réflexion critique est absente. Le refus, par les pédagogues et les instances d’expertises, de changer de cap, c’est-à-dire d’interroger nos propres structures dogmatiques en perdition, met en relief la déroute d’une civilisation devenue incapable de penser l’immémorial universel, la Dette généalogique. » (Sur le site Ars dogmatica, cf. Et cætera)

dimanche 26 janvier 2020

Prof Graham Allison, of Harvard University's Belfer Center, is one of the US's leading scholars of international relations. His groundbreaking book - "Destined For War: Can America and China Avoid Thucydides Trap?"

Le piège de Thucydide

En 1971, Graham Allison déconstruisait la théorie de l’acteur rationnel en politique étrangère en analysant les arborescences de choix de l’administration Kennedy lors de la crise des missiles de Cuba en 1962  (1). Loué, attaqué, à son tour déconstruit, l’ouvrage a marqué son époque et demeure une lecture essentielle pour tous les étudiants en relations internationales.
Destined for War, nouvel ouvrage du professeur émérite à Harvard (2), est bâti autour d’une big idea assez simple, bien faite pour retenir l’attention du grand public : les dirigeants américains et chinois, qui croient à leur pleine liberté d’action décisionnelle, seraient en réalité d’ores et déjà pris dans l’engrenage d’un piège historico-stratégique qui, bon gré mal gré, les conditionnerait pour un affrontement probable.
La référence théorique choisie par Allison est La Guerre du Péloponnèse, ouvrage dans lequel Thucydide exposait, il y a deux mille cinq cents ans, la manière dont prit forme le conflit : « Ce fut l’ascension d’Athènes et la peur que celle-ci instilla à Sparte qui rendirent la guerre inévitable. » De ce schéma opposant un gardien du statu quo (menacé de paranoïa) et un perturbateur ambitieux (tenté par l’hubris) Allison déduit une grille d’analyse pour comprendre l’avenir des relations entre Chine et États-Unis. Au cours des cinq cents dernières années, l’auteur relève seize occurrences de ce qu’il nomme le « piège de Thucydide » : rois de France et Habsbourg se disputant la prépondérance européenne lors du premier XVIe siècle, Royaume-Uni des années 1890 tentant de freiner le formidable potentiel d’une Allemagne entreprenante jusqu’à entraîner toute l’Europe dans le cauchemar de deux guerres mondiales… Douze fois, le piège a débouché sur la guerre. Quatre fois seulement, celle-ci a été évitée. Le couple antagonique de ce début de XXIe siècle peut-il échapper à cette fatalité statistique ?
L’auteur répond par une analyse prospective des combinatoires de choix qui se nouent entre les dirigeants d’États aspirant à une forme de prépondérance économique, idéologique et politique. Après une série de scénarios de crise qui insistent sur les possibilités actuelles d’ascension aux extrêmes entre l’Aigle et le Dragon (des îles Spratleys à la Corée du Nord), l’essai s’achève sur un chapitre raisonnablement optimiste. Allison y prodigue des conseils de modération à Pékin, tout en avisant Washington de ne pas confondre ses intérêts vitaux et ceux de ses alliés asiatiques. S’extraire du piège consisterait à ne pas multiplier sans nécessité les lignes rouges, culs-de-sac décisionnels dont on ne voit plus à terme comment sortir sans perdre la face, sauf par la guerre. Multipliant les statistiques sur le dynamisme économique et militaire de Pékin, Allison est convaincant sur le plan historique, moins sur le plan militaire, son évaluation du potentiel de l’armée chinoise semblant exagérée. Comme au temps des discours biaisés sur le missile gap retard nucléaire » américain sur l’Union soviétique), les États-Unis dominent en réalité largement leur supposé peer competitor (3) sur le plan capacitaire, et les récents progrès technologiques chinois — cybertechnologies et armes spatiales — ne suffisent pas à en faire un adversaire stratégique de même classe. On peut aussi juger que l’auteur se montre un rien schématique quant aux spécificités socioculturelles : les récentes déclarations du Parti communiste chinois en faveur des valeurs confucéennes montrent par antithèse que celles-ci ont fait place à une occidentalisation galopante des mœurs, fondée sur un ethos consumériste. Chinois et Américains ne vivent plus dans des univers mentaux étanches, et la modélisation de leurs interactions stratégiques doit en tenir compte.
À condition d’être pondéré par d’autres lectures (le récent Avoiding War With China, d’Amitai Etzioni (4), et surtout le très informé Everything Under the Heavens (5), de Howard French), Destined for War constitue un plaidoyer convaincant en faveur du concept réaliste d’équilibre de la puissance.

Olivier Zajec
Chargé d’études à la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS), Paris.
 
 

https://www.worldscientific.com/doi/pdfplus/10.1142/S2377740018500288

samedi 9 novembre 2019

La fenêtre d'Overton, aussi connue comme la fenêtre de discours, est une allégorie qui désigne l'ensemble des idées, opinions ou pratiques considérées comme acceptables dans l'opinion publique d'une société. Ce terme est un dérivé du nom de son concepteur, Joseph P. Overton (1960-2003)[1], un ancien vice-président de la Mackinac Center for Public Policy (en)[2] qui, dans la description de sa fenêtre, a affirmé l'idée que la viabilité politique d'une idée dépend principalement du fait qu'elle se situe dans la fenêtre, plutôt que des préférences individuelles des politiciens[3].
Selon la description d'Overton, sa fenêtre comprend une gamme de politiques considérées comme politiquement acceptables au regard de l'opinion publique existante, et qu'un politicien peut donc proposer sans être considéré comme trop extrême, pour gagner ou conserver une fonction publique.
Après la mort d'Overton, d'autres ont examiné le concept d'ajustement de cette fenêtre d'idées acceptables, par la promotion délibérée d'idées en dehors de cette fenêtre (ou d'idées situées à la « frange externe ») avec l'intention de rendre acceptables, par comparaison, des idées jusqu'alors considérées comme marginales[4]. La technique de persuasion « porte-au-nez » est similaire.
Les médias, en tant qu'acteurs influents de l'opinion publique, sont susceptibles d'être un outil de la modification de cette fenêtre.[5] Les médias polémistes sont en particulier passibles de contribuer à l'étape 1 d'une telle opération.

Overton décrit une carte des idées du « plus libre » au « moins libre » concernant l'action du gouvernement, représentée sur un axe vertical. Comme la fenêtre change de taille ou se déplace, une idée à un endroit donné peut devenir plus ou moins politiquement acceptable. Les degrés d'acceptation[6] des idées publiques sont à peu près comme suit :
Fenêtre d'Overton
  • Impensable
  • Radical
  • Acceptable
  • Raisonnable
  • Populaire
  • Politique
La fenêtre d'Overton est une approche permettant d'identifier les idées définissant le domaine d'acceptabilité des politiques gouvernementales possibles dans le cadre d'une démocratie. Les partisans de politiques en dehors de la fenêtre d'Overton cherchent à persuader ou éduquer l'opinion publique afin de déplacer et/ou d'élargir la fenêtre.
Les partisans dans la fenêtre — soutenant les politiques actuelles, ou similaires — cherchent à convaincre l'opinion publique que les politiques situées en dehors de la fenêtre doivent être considérées comme inacceptables.
 
 
On reprend assez souvent l'exemple du cannibalisme qui a été popularisé par le réalisateur russe Nikita Mikhalkov pour illustrer le fonctionnement de la fenêtre d'Overton[réf. nécessaire].

Étape 1 : De l'impensable au radicalModifier

Dans la première étape, la pratique du cannibalisme est considérée comme immorale et répréhensible au sein de la société étudiée. Les sociétés occidentales actuelles se trouvent dans ce cas. À ce moment, le cannibalisme se trouve au niveau de tolérance le plus bas de la fenêtre d'Overton : impensable.
Pour faire changer la position de l'opinion publique, on commence par tranformer le sujet en question scientifique. Des savants renommés en parlent, des petites conférences et des colloques sont organisés autour du cannibalisme. Puisque la science (exacte ou non) ne doit pas avoir de limites d'investigation, le sujet cesse alors d'être un tabou absolu. Il n'est plus impensable, et un petit groupe d'« extrémistes » pro-cannibalisme se crée et fait des percées dans les médias. Cette opinion est alors perçue comme simplement radicale[7],[8],[9],[10].

Étape 2 : Du radical à l'acceptableModifier

Dans cette étape c'est l'acceptation qui est recherchée. Avec les conclusions scientifiques, ceux qui s'opposent de manière inflexible à l'ouverture sont traités en intransigeants, fanatiques opposés à la science. Un jargon pseudo-scientifique pourra être créé. Dans le cas du cannibalisme on préferera parler d'anthropophilie (ou d'antropophagie). Les connotations négatives associées au mot cannibalisme seront alors adoucies[7],[8],[9],[10]. Même si l'idée n'est pas encore largement acceptée, elle intègre progressivement le débat public.

Étape 3 : De l'acceptable au raisonnableModifier

Il s'agit ici de transformer le jugement de principe porté sur le cannibalisme. D'une chose en principe inacceptable on doit passer à une pratique "raisonnable". La consommation de chair humaine trouve une justification; par exemple, dans le cas d'une famine, un tel comportement semble devoir se légitimer par le principe fondamental de conservation. L'homme recherche sa propre conservation, et dans un cas extrême il doit pouvoir se nourrir de tout. L'application d'un tel raisonnement au cas général se fait d'autant plus facilement que le concept était considéré au départ comme impensable, et donc n'était pas en butte à aucun des contre-arguments usuellement produits lors de l'émergence d'un débat intellectuel.
D'un autre côté, les "anthropophiles" se targuent d'être pro-choix, défenseurs d'une liberté somme toute fondamentale. Les irréductibles de l'idée sont, quant à eux, perpétuellement critiqués pour leur position devenue radicale. Enfin, au besoin, la communauté scientifique conjointement aux médias saura fournir les preuves du fait que l'histoire est truffée d'exemples d'anthropophilie, et que les sociétés primitives n'avaient pas de problème avec[7],[8],[9],[10].

Étape 4 : Du raisonnable au populaireModifier

Il s'agit d'intégrer la pratique défendue à la mentalité populaire. Cela passe par les canaux de diffusion culturelle comme les films, les romans, les journaux ou même la musique. Dans le cas de l'anthropophilie, les films de zombies peuvent recouvrir une toute nouvelle signification par exemple. On pourra noter l'utilisation de célébrités ou de figures historiques décrites comme franchement cannibales[7],[8],[9],[10].

Étape 5 : Du populaire au politiqueModifier

Une fois ancrés dans la société civile, les groupes de pression cherchent une représentation politique, au travers de partis par exemple, et demandent une représentation légale. Dans le cas du cannibalisme, il serait ainsi question de légalisation. Ici, la possibilité de création d'un nouveau marché de consommation de chair humaine directe ou par produits dérivé pourrait renforcer la position des courants anthropophages avec le concours de l'industrie agro-alimentaire.
Les étapes présentées ci-dessus forment un exemple de la méthode de déplacement radical de la fenêtre d'Overton d'une position de l'opinion publique à son contraire. Cependant, chacune des étapes, prises individuellement, constitue en soit une ouverture non négligeable de la fenêtre. De plus, la fenêtre d'Overton peut être utilisée pour favoriser des idées impopulaires en introduisant dans le débat des concepts bien plus radicaux qui font pâlir l'impopularité de ceux que l'on défend en réalité[11].
 
 
Une idée semblable à la fenêtre d'Overton a été exprimée par Anthony Trollope en 1868 dans son roman Phinéas Finn (en) :
« Beaucoup de ceux qui, auparavant, considéraient la législation sur le sujet comme invraisemblable, la verront désormais simplement comme dangereuse, voire juste difficile. Et ainsi, avec le temps, elle en viendra à être considérée comme une possibilité, puis comme quelque chose de probable, et enfin elle deviendra l'une des quelques mesures dont le pays a absolument besoin. C'est de cette manière que se forge l'opinion publique. »
« Ce n'est pas une perte de temps », dit Phinéas, « d'avoir franchi la première grande étape dans sa réalisation ». « La première grande étape a été franchie il y a longtemps », déclara M. Monk « par des hommes qui étaient considérés comme des démagogues révolutionnaires, presque comme des traîtres, parce qu'ils l'ont fait. Mais c'est une bonne chose de franchir toute étape nous permettant d'aller de l'avant. »
Dans son discours West India Emancipation à Canandaigua, New York, en 1857[12], le chef abolitionniste Frederick Douglass a décrit comment l'opinion publique limite la capacité des personnes au pouvoir d'agir en toute impunité :
« Trouvez simplement ce qu'un peuple est prêt à subir en silence, cela vous donnera la mesure exacte de l'injustice et du mal qui lui seront imposés, et cela continuera jusqu'à ce que se manifeste une résistance par les mots ou la violence, ou les deux. Les limites des tyrans sont fixées par l'endurance de ceux qu'ils oppressent. »
L'idée est très similaire à une théorie antérieure qui allait être connue sous le nom de « sphère de Hallin ». Dans son livre de 1986 The Uncensored War[13], le chercheur en communication Daniel C. Hallin pose trois domaines de couverture médiatique dans lesquelles un sujet peut tomber. Les domaines sont schématisés par des cercles concentriques appelés sphères. Du centre jusqu'au cercle extérieur, il y a la Sphère du Consensus, la Sphère de la Controverse Légitime, et la Sphère de Déviance. Les propositions et avis peuvent être placés plus ou moins loin du centre métaphorique, et les acteurs politiques peuvent lutter afin de faire bouger ces positions.
La théorie de Hallin est développée et appliquée principalement comme une théorie explicative des différents niveaux d'objectivité dans la couverture médiatique mais il tient également compte du tiraillement permanent entre les médias et les acteurs politiques à propos de ce qui est considéré comme un désaccord légitime, ce qui — potentiellement — modifierait les frontières entre les sphères.
Comme l'une des études appliquant la théorie de Hallin l'explique : « les frontières entre les trois sphères sont dynamiques, en fonction du climat politique et de la ligne éditoriale des différents médias »[14]. Vue ainsi, l'idée inclut également le bras de fer concernant les frontières entre le discours politique normal et le discours déviant.

lundi 4 mars 2019

Commentaires relevés sur le net:

Sur la ligue du LOL et V. Glad en particulier: Un faux gaucho victime de la "dissociation cognitive" intrinsèque à sa position. Pour écrire à "Libé", il faut manier la néo-langue de bois indigno-féministo-indigéniste qui tient lieu de pensée d'extrême-gauche. Or, comme jadis du jargon maxiste-léniniste ou du catéchisme, une bonne part de ceux-là même qui se trouvent à le relayer savent que c'est un paquet d'âneries!… Mais faut garder la face, & son poste … Donc on se défoule en privé - curé au bordel, coco en datcha de luxe, ou sur internet…


Sur un accident de scooter à Grenoble:



Sur un livre récent:

Ce n'est pas si compliqué: car on a désormais 5 parts quasi égales, faites chacune de 20% de population de la France métropolitaine.

20% les "gagnants": CSP+ ou à défaut boulot valorisant, bobo-techno, centre-villes métropoles Nantes-Paris-Lyon, Macron (& Nuit Debout pour rigoler), mariage-pour-tous, pro-migrants mais pas trop quand même et quittant le quartier si "vivant" pour assurer le bon collège des gamins, polyglottes et culturés, écolo-soucieux donc fatalement contradictoires (voyages en avion pour boulot ou loisir!), "devenus assez nombreux pour vivre de façon autonome et croire que tout le monde vit comme eux" - informés, mais/donc en panique: "comment sauver la planète???" + "comment "les" intégrer???" Silence de mort… Bref, moi.

20% de "vieux cons", les sortants: des retraités, encore avec des sous, mais virant (justement) paranoïdes, car ponctionnés comme des ânes, & surtout complètement largués, par la société de l'informatique, des tatouages et des gays qui se clonent: raisonnent encore comme en 1992 ou comme en 1962, Fillon-Wauqiez-De Gaulle-Jésus reviens!, tradi-cathos (plus que 9%!) ne se remettant pas d'être devenus deux fois moins nombreux que les arabes; tout ce qu'ils croient comprendre du XXIè siécle tient dans une matinale de BFM avec Dupont-Aignan, tout est faux - sauf la peur, fondée; pas écolos pour deux sous, donc en voie de disparition totale. Bref mes beaux-parents.

20% de "gueux": déjà, c'est personne que je connais… mais on devine sans peine, en passant en grosse berline hybride, une indescriptible faillite provinciale - la "France périphérique" de Jonhnathan et Jennyffer, "Gilets Jaunes" hagards des pavillons pas-aux-normes climatiques, des zones commerciales nazes et coins déshérités en forme de rond où remâcher son malheur diesel, employées piercées ou chômeurs sans dents, complètement à la masse, conspirationnistes rouquins oscillant entre Mélenchon ou Le Pen ou rien, antisémites par défaut & pro-Poutine par Boulangisme - se rendant bien compte qu'"on" (l'élite!) a "voulu" leur faire de force fréquenter des arabes, et que ce n'est pas une marque de respect… Voudraient, depuis peu, qu'on les appelle "le peuple", mais ont bien pigé que, pour les journaleux, qu'ils adorent (quand ils arrivent à les lire), les "quartiers populaires", c'est plutôt… (ci-dessous)

20% "oumma": donc une population, une religion, et un ordre politique; en gros 20%, donc 5% ici, 90% là; micro-ou macro-campements sarrazins importés à la lisière/taille de villes entières, alimentés par croissance endogène et exotruc (70% de l'immigration légale est musulmane, dont 80% en regroupement familial, plus les illégaux = + la ville de Grenoble chaque année); salafisés à 50%, "veulent manger halal" à 80%, antieuh-sionistes à 100%, histoire & culture française quoi? (à peu près rien de ce qu'on peut proposer ne leur étant de fait recevable), chaînes satellitaires et voiles: c'est bon comme là-bas dis! Votent comme un seul prophète pour le candidat le plus pro-visas. Vase clos de faux mariages "mixtes" du bled avec klaxons à Toulon. De 3% en 1968, à 18% en 2015, "assez nombreux désormais pour être culturellement autonomes"… Certes! Cependant, des signes d'"insertion" culturelle (le rap, la prison) et économique (le cannabis, "3ème employeur français") - en attendant le "Vénézuéla algérien" & ses 10-15 millions d'émigrés…

enfin, le "ramassis", un 20% indistinct, fait de particularismes inclassables, souvent clos sur aux-mêmes également, parfois en partance : juifs (1% - pour le moment, car à 1 contre 20, ils vont en chier); corses; noirs mais témoins-de-Jéhovah ou vaudou (4%), asiatiques (5% - tiens, qu'est-ce qu'ils foutent là les chinois?), Dheepan, & ses frères; marginaux, cancéreux, handicapés & fous, EPHAD (bientôt 1 million de centenaires!); gitans, nomades & autres zadistes; sectes & moines, travestis & travailleurs du sexe, aaaaaaartistes (de moins en moins concernés, tiens, on les entend bien se taire, les ex-starlettes à poil & les mecs bourrus mais sensibles, z'ont plus rien à dire depuis "Welcome"?…); enfin les expats, les "plus-là", qui ont cru de 228% en nombre en quelques années.


Ceci formant la métropole. Un descriptif des Antilles, Guyane, Réunion, Mayotte étant à faire - et là on a toute la France!

mardi 25 avril 2017

Trois articles compilés de la Vie des Idées de Brice Couturier:

La revanche du Peuple de quelque part sur les Gens de n'importe où

Un livre, récemment publié en Grande-Bretagne, par David Goodhart, créateur du magazine Prospect, explique pourquoi le Brexit l'a emporté et les travaillistes décrochent.
Le clivage droite/gauche, dans beaucoup de nos démocraties est en train de céder la place à d’autres différenciations. Europhiles versus europhobes, ouverture/fermeture, libéralisme/autoritarisme, … L’essayiste britannique David Goodhart suggère un nouveau partage politique. A quel camp appartenez-vous ? A celui des gens de n’importe où au peuple de quelque part ?
Les premiers, les Gens de n'importe où, sont bien dotés en capital culturel et en diplômes donnant accès aux emplois cotés sur le marché du travail. Disposant de réseaux relationnels acquis dans quelque grande école française, ou une prestigieuse université anglo-saxonne, ils disposent d’une « identité portative ». C’est dire qu’ils sont à leur aise partout dans le monde. Ils valorisent la réussite professionnelle et l’auto-réalisation. Ils sont favorables à la mondialisation et leur valeur préférée est l’ouverture. Optimistes, curieux d’autrui et tolérants par principe, ils sont spontanément multiculturalistes.
Le Peuple de quelque part est plus enraciné. Ses membres sont rarement passés par l’enseignement supérieur. Ils sont assignés à une identité prescrite. La mondialisation, pour eux, cela signifie que les usines s’en vont et que les immigrés arrivent. La dignité qui s’attachait à la condition ouvrière est perdue. L’économie du savoir et les emplois qualifiés, que promettait l’Agenda de Lisbonne, ce n’était pas pour eux. Ils se considèrent comme les laissés-pour-compte de l’intégration européenne. Il y a de fortes chances qu’ils habitent une petite ville proche du domicile de leurs parents. Car ils ont le sens de la communauté et de la famille. Ils sont culturellement conservateurs.
David Goodhart a déclenché bien des débats en Grande-Bretagne, avec la publication d’un essai intitulé The Road to Somewhere. The populist revolt and the future of politics. La route vers quelque part. (Révolte populiste et avenir des politiques populistes). Et il propose, si l’on veut comprendre quelque chose au redéploiement en cours de la vie politique dans nos vieilles démocraties, de remplacer l’axe gauche / droite, par le clivage Anywhere / Somewhere. Que j’ai traduit par « gens de n’importe où » et « peuple de quelque part ». Car pour lui, les oppositions basées sur des critères purement socio-économiques sont devenus insuffisants. Il faut leur ajouter des éléments culturels. Les « politiques de l’identité » qu’avait mises en avant le New Labour, à l’époque de Tony Blair – identité ethnique, identité de genre, identité religieuse – font désormais partie du paysage. Elles ont définitivement bousculé une société britannique autrefois structurée par les appartenances de classe.
David Goodhart a longtemps joué un rôle important dans le monde intellectuel britannique en tant que directeur de la revue Prospect, un mensuel de réflexion politique et culturel sans équivalent chez nous, qu’il a créé en 1995 et dont il en a tenu les rênes jusqu’en 2010. Prospect, que j’ai lu toute ma vie, est devenu, aussitôt après son départ de la direction, beaucoup moins intéressant.
Je crois qu’on peut dire que le magazine Prospect, tout en veillant à ne pas s’aligner sur quelque parti ou personnalité politique que ce soit, a tout de même accompagné la montée en puissance de Tony Blair, puis les gouvernements du New Labour, en alimentant leur réflexion. Goodhart avoue, dans son livre, avoir appartenu au parti travailliste à cette époque. Son départ de la direction du magazine a coïncidé avec la défaite du New Labour.
Dans son dernier livre, David Goodhart enquête sur la causes idéologique et sociologiques du Brexit et de l’élection de Donald Trump. A ses yeux, ces deux évènements sont liés et témoignent de phénomènes fort comparables. Car ces votes protestataires constituent la revanche du « Peuple de quelque part », furieux de n’avoir jamais eu réellement voix au chapitre.
Ce sont, en effet, les « Gens de n’importe où » qui dominent la vie politique, les médias et l’Université. Ayant progressivement conquis l’hégémonie culturelle, ils ont imposé une idéologie qui sert leurs intérêts. Ce que Goodhart, après d’autres, nomme le « double libéralisme ». Un libéralisme culturel, venu des années 60, qui a ébranlé toutes les structures d’autorité. Et un libéralisme économique, imposé à partir des années 80, avec la prééminence accordée aux marchés sur les régulations étatiques. Progressivement, tout ce qui contestait ce double libéralisme a été chassé de la scène publique.
Dans un premier temps, le centre-gauche politique ne s’est que trop bien adapté à cette double révolution. Ainsi Tony Blair présentait-il la mondialisation et l’immigration de masse comme des phénomènes quasi-naturels, face auxquels il n’y avait d’autre issue, pour les Britanniques, que de s’adapter. Mais aujourd’hui, les partis socio-démocrates sont dans la nasse. Car leurs électeurs appartenaient autrefois au Peuple de quelque part. Et celui-ci estime qu’il a perdu à ces changements, rapides et radicaux. 62 % des Britanniques approuvent ainsi l’opinion : « le pays a tellement changé dans les dernières années qu’il est devenu méconnaissable et cela provoque en moi un malaise. »
Pourtant, le « Peuple de quelque part » ne remet pas en cause la totalité des acquis de la double révolution libérale. Il voudrait seulement que les élites, qui la pilotent, en ralentissent le rythme. La rapidité avec laquelle les sociétés ont été bouleversées par une immigration sans précédent a créé, chez lui, une « anxiété culturelle ». Ses membres réclament un accord général sur des normes de comportement communes. David Goodhart qualifie leur idéologie de « populisme de la décence ». J’y reviendrai demain.

Le Brexit expliqué par la montée en puissance des Gens de Quelque Part

David Goodhart, fondateur de Prospect, vient de publier un essai fort éclairant. il y explique notamment ce qui a poussé une majorité des électeurs du Royaume Uni à préférer quitte l'UE.
Hier, je vous ai présenté le nouveau livre de David Goodhart, The Road to Nowhere, qui s’interroge sur la montée du phénomène populiste, en Grande Bretagne, et dans le reste de l’Europe. Il établit une opposition entre ceux qu’il appelle les « Anywheres » et les « _Somewhere_s ». La montée du populisme serait l’une des conséquences de l’exaspération ses « Somewheres ».
Oui, la typologie de David Goodhart, « Peuple de quelque part » versus « Gens de Nulle part ou de partout », recoupe en grande part d’autres tentatives de classification du même genre, telle que celle proposée par l’Américain Thomas Friedman entre « le peuple du mur » et « le peuple du web ». Celle-ci fait elle-même écho à la lutte politique qui, chez nous, oppose de longue date souverainistes et européistes. D’autres encore préfèrent parler d’insiders et d’outsiders. Le géographe français Christophe Guilluy oppose la France périphérique aux bourgeois-bohêmes des métropoles. Mais finalement, tous tendent plus ou moins à décrire un même phénomène de fracture sociale qui revêt des aspects à la fois sociaux et culturels.
Il y a, dans l’air, comme une nouvelle lutte des classes entre les bénéficiaires de la mondialisation et ses laissés-pour-compte. Et elle fragilise nos systèmes politiques. Car ceux-ci étaient bâtis sur l’alternance de partis de centre-droit et de centre-gauche qui, en vérité, étaient d’accord sur l’essentiel : la poursuite de l’ouverture et de la libéralisation. Ces partis traditionnels de gouvernement sont aujourd’hui en crise. Mais surtout, selon Goodhart, ceux du centre-gauche, grignotés à la fois par les partis populistes, qui séduisent leur ancien électorat ouvrier, et par une nouvelle gauche, écologiste ou libérale, qui leur dispute les jeunes diplômés.
Mais s’ils sont en crise, prétend David Goodhart, c’est surtout parce qu’ils étaient devenus la voix des Gens de Nulle Part, celle d’une élite technocratique déconnectée des réalités de terrain. Dans toute l’Europe, l’émergence de partis populistes a montré qu’une partie de la population ne se reconnaissait plus dans un système trop verrouillé. Sans remettre en cause nécessairement l’autonomie individuelle nouvellement acquise, le Peuple de quelque part exprime un besoin de sécurité et de protection qu’il faudra bien prendre en considération. Et cette question se pose, d’une manière ou d’une autre, dans tous les grand pays anciennement industrialisés.
Mais ce qui fait le grand intérêt du livre de David Goodhart, c’est qu’il éclaire fort bien ce qui s’est joué dans le Brexit. Car, tout de même le cas britannique demeure très particulier.
Et d’abord, cette révélation : oui, la plupart des électeurs du Leave avaient conscience de voter contre leurs intérêts. Les élites cognitives leur avaient répété que la croissance, dans leur pays, connaîtrait de sérieux ratés, en cas de fermeture du marché unique européen. Les électeurs en ont pris note, mais ils ont voté quand même à 52 % pour couper les amarres. Ils ont préféré l’identité culturelle britannique et la souveraineté nationale ! Ils ont voulu retrouver la maîtrise des flux migratoires. Les partisans du Remain ont eu le tort de faire une campagne axée presque exclusivement sur les aspects économiques du Brexit. Il aurait fallu insister sur l’amour de l’Europe qui, contrairement à ce qu’on imagine sur le continent, est très présent au Royaume-Uni. Les Britanniques ne sont nullement des insulaires, selon Goodhart.
-L’Union européenne aurait été, selon Goodhart, un véritable cas d’école de l’ubris technocratique des Gens de Nulle Part. Au départ, le projet d’une modeste union douanière, doublée d’une politique agricole commune, était raisonnable. La CEE se voulait un espace économique intégré, permettant en outre un haut niveau de coopération politique entre ses membres. Et c’est cette Europe-là qui a séduit les Britanniques.
Mais ceux que Goodhart appelle « les vrais croyants » n’avaient jamais renoncé à leur utopie de parvenir à une formule politique fédérale. Ils ont mis sur pied un Système monétaire européen qui fonctionnait mal. Il a fallu donc pousser un cran plus loin. Et ce fut la création de l’euro, obtenue par les Français pour contenir une Allemagne que rendait inquiétante sa réunification. Mais, prétend Goodhart, les concepteurs de l’euro savaient parfaitement qu’zone monétaire intégrée ne pouvait elle-même fonctionner qu’en étant dotée d’un budget propre, d’une politique fiscale harmonisée, d’un transfert de ressources entre régions riches et régions pauvres…. Bref, ils ont fait comme d’habitude : provoquer un déséquilibre destiné à être rétabli par de nouveaux pas en avant vers davantage d’intégration. En outre, pour des raisons purement politiques, on a décidé d’agréger à la zone euro des pays dont les économies étaient bien trop différentes, comme la Grèce.
C’est cette façon de forcer toujours la main aux peuples pour une « union toujours plus étroite » qui, même s’ils n’ont jamais considéré la possibilité d’abandonner la Livre sterling, aurait poussé les Britanniques à quitter l’Union européenne.
Mais ce qui a fait déborder le vase, selon Goodhart, c’est la libre circulation des personnes au sein d’une UE, par ailleurs, incapable de protéger ses propres frontières. En 2004, le gouvernement travailliste a décidé d’accueillir sans délai les habitants des nouveaux Etats membres d’Europe centrale. Il en attendait quelques milliers et ils furent un million. Résultat : la Roumanie a perdu un tiers de ses médecins, partis à l'ouest. Et la Bulgarie ou l’Estonie, face au double péril de la faible fécondité et de l’émigration, se vident rapidement de leur population…
« La liberté de circulation est, des quatre libertés, la plus controversée, car la moins compatible avec la conception britannique de l’Etat-nation normal », écrit-il. On comprend mieux.


Trop de diversité sape les fondements de la solidarité

Depuis longtemps, David Goodhart avertit les Britanniques que l'idéologie multiculturaliste constitue une menace à moyen terme pour les Etats-providences.
Quelles réactions provoque le livre de David Goodhart, The Road to Somewhere, dont je vous parlais hier ? Comment les médias, en particulier, prennent-ils sa thèse selon laquelle ils sont eux-mêmes, comme la classe politique et l’Université, entre les mains des « Gens de Nulle Part », ces libéraux cosmopolites - que rejetterait « le Peuple de Quelque part » ?
Très intéressante réaction dans le quotidien de gauche, The Guardian. Sous la plume de Jonathan Freedland, on peut lire que David Goodhart est, hélas, une sorte de prophète. Freedland rappelle, en effet, la vague d’indignation qu’avait soulevée, dans l’intelligentsia de gauche de l’époque, l’article publié par Goodhart dans Prospect, intitulé « Est-ce que la Grand-Bretagne est trop diverse ? » C’était dans le numéro de février 2004 de ce magazine intellectuel, plutôt proche des idées du New Labour, dont Goodhart était alors le directeur. Ce papier a valu à son auteur, écrit The Guardian une quasi-proscription des milieux comme il faut. Et pourtant, ajoute-t-il, cet article était tout bonnement prophétique. Car il posait crûment une question que personne ne voulait voir, à l’époque, et qui est devenue le sujet dominant de notre vie politique.
J’ai conservé ce numéro « collector » de Prospect. Qu’écrivait donc David Goodhart pour passer soudain dans le camp des traîtres à la cause ? Que la solidarité risquait d’entrer en conflit avec la diversité. Vous êtes d’autant mieux disposés à laisser l’Etat recueillir une part importante de vos revenus sous forme de cotisations et d’impôts, disait-il, que vous avez la certitude que cet argent sera redistribué à des gens qui sont comme vous. Si leurs valeurs et leurs styles de vie diffèrent trop des vôtres, alors vous deviendrez réticent.
Il faut choisir entre deux modèles de société, disait Goodhart. Celui de la Suède, cette nation très homogène où l’Etat-providence vous accompagne du berceau à la tombe, ou celui des Etats-Unis, où l’individualisme et la diversité font qu’on se sent peu d’obligations réciproques.
Il s’appuyait sur les travaux de deux économistes, Alberto Alesina et Edward Glaeser, qui avaient démontré cette thèse, chiffres à l’appui. Aux Etats-Unis, la majorité des pauvres appartiennent à des communautés ethniques minoritaires. Les plus aisés, majoritairement blancs, sont peu enclins à partager. Voilà ce qui risque d’arriver à notre Royaume Uni, prévenait Goodhart, si nous poursuivons dans la voie du multiculturalisme. Car il crée, entre des communautés, un sentiment d’étrangeté qui ne favorise pas la solidarité. L’inclination à s’obliger mutuellement alors s’érode. L’Etat-providence britannique, très généreux, contrairement à ce qu’on croit chez nous, était déclaré menacé.
L’article était d’autant plus prophétique, poursuit The Guardian, qu’il a été publié à la veille de ce que Goodhart lui-même, dans son récent livre, appelle « the one », la grande vague migratoire, la plus inattendue. C’est celle qui a suivi l’ouverture du marché du travail britannique aux citoyens des nouveaux membres de l’Union européenne, l’Europe centrale. La plupart des autres Etats d’Europe occidentale, et même les Allemands, avaient décidé un moratoire de plusieurs années. Mais le New Labour au pouvoir a voulu montrer son ouverture. On attendait quelques milliers de « plombiers polonais » et ils furent un million.
C’est d’autant plus incompréhensible, écrit Goodhart, que déjà à l’époque, les sondages montraient que près des trois quart de la population estimait le rythme de l’immigration dans le pays trop rapide. Trois quart des sondés estimaient et que le pays avait changé au point qu’on ne s’y sentait « plus chez soi ». Pour Goodhart, qui fut lui-même membre du Labour, ce refus d’entendre ses propres électeurs sur la question de l’intégration, constitue l’une des causes de l’échec électoral de 2010, face aux conservateurs.
Le modèle multiculturaliste n'a plus la cote auprès des Britanniques. On se souvient comme ils se moquaient, de notre modèle d’intégration républicain... Si l’on en croit Goodhart, le multiculturalisme n’est plus qu’une « idéologie qui a dominé les années 80 »…. Passée de mode. Et il cite une critique qui les résume toutes, celles de Maajid Nawaz, journaliste et homme politique libéral-démocrate, « au lieu d’introduire de la diversité dans la société, le multiculturalisme introduit de la diversité entre les groupes ethniques d'une même société».
Quant à l’intégration, Goodhart écrit que les Britanniques sont encore trop réticents à l’idée de fournir aux nouveaux venus une « feuille de route ». Or, ajoute-t-il, les immigrés ont besoin de savoir ce qu’on attend d’eux. « Si on veut améliorer l’intégration, écrit-il, on ne peut pas se contenter de prêcher l’importance de la tolérance, on doit promouvoir l’interaction et le sentiment d’inclusion dans la communauté nationale. Comme l’a dit Jonathan Haidt, il est possible de faire en sorte que les gens se soucient moins des questions de race et d’identité, lorsqu’on les plonge dans une mer de ressemblances, de buts partagés et de dépendance mutuelle." Une cause commune d’intérêt local, en particulier, est un puissant facteur de rassemblement.
Car la puissance des nations est fondée, poursuit-il, sur leur capital social – la confiance mutuelle qui existe entre leurs membres ; le fait qu’ils partagent les mêmes intérêts et les mêmes valeurs. C’est cette confiance en un avenir commun qui a rendu possible la construction, sur plusieurs générations, des cathédrales. C’est aussi sur cette confiance réciproque que sont fondés nos Etats-providences redistributifs. Seul, le cadre national, insiste Goodhart, fournit le cadre dans lequel peut s’exercer cette indispensable solidarité.

mercredi 22 février 2017

Sur l'affaire Mehdi Meklat:

Viens d'entendre, sur France Culture, la petite chronique du souvent pertinent Xavier de la Porte (qui parle en général du numérique), sur l'affaire Mehdi Meklat - en notant au passage que dans la bouche des journalistes de Radio France, les deux jeunes gens "MehdietBadrou" ont soudain retrouvé leur nom de famille, prise de distance opportune, toujours assez mauvais signe pour les intéressés… (on sait que le prénom seul employé, dans les media, rapproche, "connive", sacralise, "inoffensise"… mais passons).

La chronique rend assez bien compte du caractère bizarroïde de l'affaire - à savoir des propos "à la limite", semi-confidentiels, mais suffisamment accessibles pour qu'on suppose que l'auteur devait obscurément savoir/vouloir qu'on lui demande des comptes tôt ou tard, propos qui semblent "dans l'ombre déconstruire ce qui d'un autre côté était publiquement construit" - d'où "psyché tourmentée" et "complexité" de M. Meklat. Lecture la plus réaliste, celle d'une énorme névrose (pour ce que ça veut dire), absolument banale et déterminée par ailleurs - dont l'équivalent exact serait la figure du curé ou pasteur respecté dont on découvre les fichiers pédophiles - ou du père-la-rigueur ponctionnant l'argent public : le surinvestissement sur de l'angélique et de l'exemplaire ne s'explique que par un rapport inavouable à l'objet du désir/déni. C'est du banal, du déterminé, de la névrose.

Celle du jeune homme, assez maousse pour faire de lui un gros troll (50000 twits! - depuis 2011, pendant 3 ans), me semble assez amusante à supposer. Une "complexité qui nous échappe"? Balayons tout ça.

Ce jeune homme "exemplaire" de banlieue, kabyle mais lettré (niveau terminale L, quand même), musulman mais ouvert et branché, revendicatif mais "républicain" (au sens place de la Ré), qui est/était surtout l'emblème d'un antiracisme portatif, facile à pratiquer par les hipsters ("mon pote arabe qui aime la techno et boit des bières, il est pas sympa?") - ce qui assure le succès et tient lieu d'absolution - avait créé, dit-il, un personnage de fiction, un "double maléfique". Voyons.

Pseudo: "Marcellin Deschamps". Sensé être un beauf "blanc", raciste, anti-immigrés, homophobe, etc… Soit, cela semble clair.
Or, par une étrange involution, et en semblant au départ, clamer sa vision caricaturale de l'"arabe" (voyou, égorgeur, etc…), selon le principe classique de l'ironie didactique (faire dire ce qu'on ne pense pas pour en souligner le caractère odieux), "Marcellin Deschamps" peu à peu, twit après twit, devint en fait le retour de la voix caricaturale de "l'arabe" caricaturé, renvoyant, depuis un site d'énonciation devenu illocalisable (puisque chambre d'écho: qui parle, dans ce qui devient le face à face où se construit l'image-caricature?), à l'idée désastreuse que l'on se fait de lui. Le mode d'ironie alors change: ce n'est plus alors de l'ironie didactique à la Voltaire ou Montesquieu, mais de l'ironie d'auto-accusation, à la Céline, Genet ou à la Nabe, de l'ironie de provocation abjecte, encore appelé "autocatégorème".

(wikipedia) "L'autocatégorème (substantif masculin), du grec autos (« le même ») et katêgoria (« accusation ») est une figure de style qui consiste à répéter une accusation envers soi délibérée, ou de le feindre, afin de susciter une dénégation de l'interlocuteur. Le locuteur feint souvent de reconnaître les défauts ou les vices qu'on lui attribue mais en les outrant, par une hyperbole généralement de façon telle qu'ils ne paraissent plus vraisemblables. L'effet visé est avant tout rhétorique, par un jeu sur le pathos (sur les sentiments de l'interlocuteur). L'autocatégorème appartient donc à la classe des répétitions visant l'ironie et l'atténuation. Il est proche du chleuasme et de la prospoièse."

Et là, le dispositif de Mehdi s'est cassé la figure - d'abord par manque de moyens littéraires, on est sur twitter! - et par sous-estimation des affects…
Pour répondre à l'image désastreuse que "Marcellin Deschamps", le "beauf blanc intolérant", est sensé avoir de lui, l'"arabe" virtuel lui répond en se conformant à cette image désastreuse: les twits deviennent DE FAIT homophobes, intolérants, voire islamistes (menaces d'égorgement…). Il est possible que la superposition d'une double-ironie (ratée) ait été voulue par Mehdi Meklat, dans l'idée, assez rebattue, de suggérer que l'intolérance crée des intolérants; que la peur des uns fait que la réalité, en raison même du refus d'acceptation, risque de se conformer à ces peurs; que c'est le bon bourgeois français qui a créé le monstre immigré; bla bla, etc… Rhétorique gauchiste et victimaire classique, qui ici se voulait finaude.

Le problème c'est qu'à s'inventer un père fouettard, un Ubu sadien, on se retrouve soi même sadisé, en posture masochiste, et voilà que l'on bascule (avec jouissance!) dans le camp de l'abject, éminemment réversible, et que l'on devient soi-même bourreau ordurier - et Sade, de tous les auteurs, est celui qui pour qui l'ironie est vraiment lettre morte… Qui trop crie au loup… devient le loup. Il sera donc chassé en meute, bien fait. Medhi alors a été avalé par "l'arabe" de "Marcellin", qu'il désirait être… DOUBLEMENT.


Les affects, disais-je… On sait ici ma petite passion pour la lettre des noms. Surtout des noms inventés, comme ici "Marcellin Deschamps"… Etrange quand même, moi je l'aurais pas trouvé, mais Mehdi l'a… - un peu de lacanisme de comptoir, pour rire?

Marcellin:
• Raymond Marcellin: "Ministre de l'intérieur de 1968 à 1974, incarnation du retour à l'ordre musclé après mai 1968", surnom "Raymond la matraque"
• St Marcellin: fromage au lait de vache, originaire du Dauphiné —> "fromage", surnom des français blancs dans les banlieues françaises
• Saint Marcellin: plusieurs saints de ce nom (dont le 29è pape, mort en 304)

"Marcellin": donc, le "sur-français", représentant d'un ordre réactionnaire (post-colonial), sur-viril (la matraque!), ancré dans un terroir repoussant (le fromage coulant), figure haïe mais quand même idéalisée (il est quand même "saint"!): le croquemitaine Super-Dupont, que l'on aime à haïr, faute de pouvoir envisager l'égaler. Une image du père que l'on n'a pas?

"Deschamps":
• d'abord, des champs, c'est à dire le terroir, la campagne, le village miterrandien avec clocher, tout l'inverse de la banlieue - qui pourtant, paradoxe, a été bâtie sur "des champs", et veut faire de la France avec du pas-français. Une image du lieu que par définition l'on n'habite pas, inhabitable?
• Didier Deschamps: entraineur blanc d'une équipe de foot noire —> ordre post colonial! what else? Et, quand ne sélectionnant pas des joueurs "arabes", accusé par Cantona d'être raciste en ces termes: "Deschamps a un nom qui sonne bien français. C'est peut-être le seul en France à avoir un nom aussi français. Personne ne s'est jamais mélangé avec personne dans sa famille. Comme les Mormons en Amérique. Donc je ne suis pas surpris qu'il ait profité de la situation de Benzema pour ne pas le prendre" - déception de ne pas être "pris", quand on le désirait, mais être "pris" par le blanc et blond Didier, eût-ce été bien honorable? Voir la suite.
• Belle des Champs: "Tu baguenaudes dans les pâturages, Tu t'en vas de promener, Belle des Champs, Qu'il est blanc qu'il est crêmeux ton fromage, Dis donne-nous en un peu, Belle des Champs, Dis tu nous en donnes, Oh oui donnes nous en, Donne donne donne, ô Belle Belle des Champs" (1981, pub connue même des jeunes, via Youtube): la Belle blonde (la république, la France?), le fromage (que l'on quémande, dont on aimerait manger), mais pour cela il faudrait être "des champs", comme la belle (Marine Le Pen?) - ou alors prendre la route buissonnière du "baguenaudage", et, faute de rencontrer la Belle qui donne du fromage, ETRE la Belle qui fait son fromage… C'est toute la vie de Mehdi, ça! Et on s'étonne qu'ensuite les twits résonnent d'insultes homophobes!

Comme le disait son collègue de France Cul, ce Medhi-là, écartelé entre identité et désidentité, désir d'en être et dégoût du "fromage", et de pas mal d'autres choses, semble bien avoir "une psyché tourmentée".
Moins que Dr Jekyll & Mister Hyde, il semble être à la fois le ver de terre amoureux d'une étoile et Frankenstein s'opérant lui-même, Lorenzaccio & Richard III surpris au lit, Jean Genet et Pierre Guyotat en conversation dans un chantier de ville nouvelle, et l'héautontimorouménos de Baudelaire…

e constate soudain que toute ma lecture lacano-truc se casse la figure, en cela que "Marcellin" était en fait "Marcelin"…!

Il faudrait que je refasse tout mon topo? Non, quand même, car je peux la faire courte.

Ce qui frappe avec "Marcelin", c'est que, par rapport à "Marcellin", il n'en a qu'une.
Un seul L. Une seule aile. Comment peut-il alors voler, comme il le devrait?
Et Marcelin, c'est Marceline. Pas Deschamps, mais Desbordes-Valmore.
Say no more.


La version "officielle"? Pas si mal: "Marcel Duchamp" est convoqué - par rapport à quoi "Marcelin" le "pouilleux" minimise (diminutif), mais "Deschamps" maximise (passage au pluriel): complexe d'infériorité-supériorité? - c'est bravache en tout cas, et il va finir par me convaincre!

«Jusqu’en 2015, sous le pseudo "Marcelin Deschamps", j’incarnais un personnage honteux raciste antisémite misogyne homophobe sur Twitter. A travers Marcelin Deschamps, je questionnais la notion d’excès et de provocation. Mais aujourd’hui je tweete sous ma véritable identité. Les propos de ce personnage fictif (Marcelin Deschamps) ne représentent évidemment pas ma pensée et en sont tout l’inverse. Je m’excuse si ces tweets ont pu choquer certains d’entre vous : ils sont obsolètes»… «En 2011, j’avais 19 ans. J’ai rejoint Facebook et Twitter. Twitter était alors un Far West numérique. Un nouvel objet, presque confidentiel, où aucune règle n’était édictée, aucune modération exercée. J’ai trouvé un pseudo : Marcelin Deschamps. Les œuvres de Marcel Duchamp m’avaient inspiré une certaine idée de la beauté. Sûrement "Marcelin Deschamps" suivrait ce chemin. Mais rapidement, il est devenu un personnage de fiction maléfique. Il n’était pas "dans la vie réelle", il était sur Twitter. Il se permettait tous les excès, les insultes les plus sauvages. Par là, il testait la notion de provocation. Jusqu’où pouvait-il aller ? Quelles seraient ses limites ? Aucune.»
«Aujourd’hui, j’ai conscience que les provocations de Marcelin Deschamps, ce personnage pouilleux, étaient finalement leurs propres limites. Elles sont désormais mortes et n’auraient jamais dû exister.»

Un commentateur de Libé (pas moi, je corrige juste l'orthographe affreuse) cependant rappelle:

"Quel hypocrite et menteur! Ce type aurait, selon lui, pris le pseudo "Marcellin" pour pasticher un beauf raciste, il se trouve que pas un de ses tweets sur des milliers ne s'en prend aux cibles habituelles des racistes: musulmans, noirs, arabes… Au contraire ses tweets s'attaquent aux laïcs, républicains, pro-charlie, à Charb, Fourest, Badinter… Ils sont homophobes, misogynes, communautaristes, font l'apologie du terrorisme. Pour beaucoup moins de petits apprentis haineux ont été lourdement condamnés."

«S’ils étaient trapézistes, Mehdi M. serait le voltigeur, le bravache qui s’élance dans les airs, qui part en vrille. Badrou A. serait le soutier, celui qui tient, qui rattrape, le mûr porteur», peut-on lire dans le portrait que leur consacrait Libération en 2014.

On va appeler le bravache Mehdi qui part en vrille, "Marcelin", et le solide mur porteur Badrou, "Pierre", ok?

(wikipedia) "Les saints Marcellin et Pierre (décapités vers 304) sont des martyrs romains. L’un était prêtre et l’autre exorciste. Ils sont mentionnés dans la première prière eucharistique de la liturgie latine (dite Canon Romain). Liturgiquement ils sont commémorés le 2 juin.
Marcellin était un prêtre éminent de Rome. D’après leur Passio (un texte que les bollandistes considèrent comme peu fiable) (note de moi: les bollandistes? faute de frappe?), ils furent arrêtés durant la persécution de Dioclétien. Marcellin fut d'abord couché nu sur du verre brisé, tandis que Pierre était entravé par des liens très serrés. En prison leur zèle obtient la conversion de leur gardien Arthemius, de sa femme et de sa fille.
Condamnés par le magistrat Severus (note de moi: mais justus!…) ils furent conduits dans un bois, décapités et enterrés de telle manière que leur lieu de sépulture reste secret. Le secret est trahi par le bourreau (qui lui aussi devient chrétien...) et leurs restes sont exhumés et ensevelis honorablement dans la catacombe de Saint Tiburce (via Labicana). Le pape Damase (fin du IVe siècle) témoigna que, encore enfant, il entendit de la bouche même de leur bourreau le récit de l’exécution de Marcellin et Pierre. Il composa une épitaphe en leur honneur. À la demande de sa mère Sainte Hélène l’empereur Constantin construisit une église au-dessus de leur tombeau.
En 827 les reliques des deux saints furent envoyées par Grégoire IV à Eginhard, secrétaire de Charlemagne, pour le monastère qu’il fonda à Seligenstadt, près de la ville contemporaine de Francfort (en Allemagne)."

Je n'ai pas dit que ce texte-ci soit bien écrit, mais on peut proposer une interprétation de ce que dit Reyes.

Pour elle (comme pour pas mal d'écrivains modernes), la littérature authentique est le domaine de la "vérité", qui ne se comprend que dans l'expression d'une singularité extrême, indépendante même des contingences et des ancrages sociaux (ce en quoi les écrivains modernes se fourrent le doigt dans l'œil! mais bon…).

A l'inverse, la "civilisation" moderne est, depuis longtemps (XIXè s.), celle de la marchandise, et assigne à la littérature entre autres une fonction de représentation sociale: les livres vont être destinés à un public ciblé, l'écrivain lui-même va être promu comme un "produit", en cela que le marché de l'art industriel va lui assigner une place identifiée, reconnaissable, rassurante… Même pas besoin à ce titre qu'il soit authentiquement "écrivain" d'ailleurs.

Ici, "Medhi M." était ce "produit" promu pour public prêt à acheter ce qui était vendu: "le-vrai-jeune-de banlieue-"mais"-intelligent-branché-intégré-etc". Ce genre de "produit", parce ses termes forment une sorte d'oxymore intenable où l'un détruit l'autre, est une construction en trompe l'œil, qui relève du kitsch… Transformé en tête de gondole creuse, le pauvre M. ne pouvait que pêter un plomb, d'où "dommage collatéral".

Mais le fait qu'il ait schizophréniquement twitté sa "part de vérité" ne fait hélas pas de lui un écrivain, parce que la "vérité" recherchée par l'écrivain n'est (en théorie) pas de celles que n'importe qui dans la même situation sociale aurait pu dire (ici, le "double maléfique" revendiqué était le "jeune-rageux-de-banlieue-qui-dit-du-mal-des-juifs, etc…", quelle originalité!!). Certes le "produit" n'est alors plus un pur ersatz, il fait nettement plus "bio"; mais alors, puisqu'il se conforme pile à ce que l'ancrage social le destinait à dire ou penser, il sort vraiment de la "littérature" …

Le "kid" Mehdi est grillé auprès du "bourgeois" parce qu'on a voulu faire de lui un fake, un produit consommable au nom de la "civilisation", qui n'aime pas qu'il y ait de l'inconsommable - et que lui-même n'a à la longue pas pu avaler (soi-comme-produit: l'aliénation, quoi!). C'est l'échec aussi de l'écrivain en lui, en cela qu'aucune "vérité" singulière ni même de "complexité" en fait n'a émergé de façon convaincante. C'est maintenant peut-être qu'il pourrait le devenir, mais c'est pas donné… Après un tel livre, pardon, de tels tweets," il ne reste plus à l'auteur qu'à choisir entre la bouche d'un pistolet ou les pieds de la croix", disait Barbey d'Aurevilly de Huysmans, après "A Rebours". Si on était vache envers Mehdi, on pourrait dire qu'il lui reste le choix entre Alain Soral et les frères musulmans.


Pour clore (pour ce qui me concerne) ces ratiocinations sur le pauvre Mehdi, dont le cas, vous l'avez vu, m'intéressait depuis des années (mais que vais-je faire de mon temps ? - et son ami Badrou, alors, que sont au juste ses idées à lui, personne ne lui demande, c'est à croire que, parce qu'il n'est pas "arabe", mais juste noir, c'est tout à fait secondaire… (sans doute vrai socio-culturellement parlant, l'enjeu est moindre pour l'instant)…

Le meilleur article-fleuve (d'autant que ça coïncide avec mes analyses modestes de ci-dessus) est de Claude Askolovitch, qui a conseillé Medhi M. dans cette passe difficile, qui l'a vu rejeter ses conseils. Ici il nous raconte le gars en "insider", et conclut assez brillamment sur tout ça - faut dire qu'Asko avait conseillé et accompagné DSK, il s'y connaît donc en auto-destructions spectaculaires! :

http://www.slate.fr/story/138005/mehdi- ... -immondice



"Mehdi Meklat porte les stigmates de la haine. Lynché par les uns, lâché par les autres, il a été digéré. On vient de vivre une histoire sordide. Je m’en suis mêlé, moi qui ne l’avais jamais rencontré.
J’ai parlé à Mehdi Meklat hier soir. Il était épuisé. Il savait ce qu’ils avaient fait – jadis, en s’autorisant, et maintenant, en fuyant ce qui le terrifiait. «Vous allez mûrir autrement», lui ai-je-dit, et il a acquiescé. Il avait eu tant de pression, pour que cela s’arrête. Nous nous étions parlé une première fois dans la matinée. Il hésitait encore. Il allait écrire, s’expliquer, et se donnait une latitude. «Je dois prendre mon temps, bien y penser, me disait-il. C’est un texte qui va compter dans mon existence.» Il parlait à mots menus. C’est un péché courant chez les écrivains de croire que l’écriture les sauvera de leurs destructions. Meklat avait écrit une première version de sa contrition. Elle était mièvre. Il évoquait sa famille et ses bonnes actions, ses reportages auprès des éclopés du capitalisme. Il ne pouvait pas être mauvais, alors? «Ne vous abritez pas!» Je lui disais de prendre des risques. «La seule chose qui m’intéresse, c’est de savoir jusqu’où vous ressemblez à cette violence, et jusqu’où je peux la comprendre, voire la partager…» (…) Il semblait d’accord? Je me trompais. L’après-midi, il confirmerait, sur Facebook, sa version de la comédie reniée. Il se roulait par terre. (…) J’avais l’impression, à lire, d’une trahison, d’une exécution. Mehdi assassinait un vieux copain affreux, déconneur, sans limite, avec qui il s’était bien marré, avant, mais qui le comprenait; il tuait une partie de lui-même. Il effaçait ce qui, ce qu’il avait été. C’est ainsi que l’on fabrique des fantômes. Il reviendrait le hanter? "

"La nuit précédente, 50.000 tweets avaient été effacé de son compte Twitter: tous ceux qui avaient été postés sous le nom de Deschamps. «J’avais pensé le faire il y a des mois, quand j'avais changé le nom de mon compte, pour poster sous mon nom. Mais j’avais fait une fausse manip, et les tweets étaient restés», m’avait-il dit. Ils étaient restés assez longtemps pour qu’on les recopie, et qu’on les lui projette à la figure, pour le détruire. Acte manqué? Volonté inconsciente de laisser des traces, des preuves, pour qu’un jour, au moment où cela serait le plus brutal, la vague se lève et le punisse? Meklat voulait être puni? C’est arrivé, exactement."

"Dissociation ou logique. Choisir ses cibles. Être vengeur. Dire sa vérité honteuse. Ou se suicider. Ou s’interdire la tranquillité. S’accomplir, ou se nier. Ou tout cela à la fois. Être vrai, en se niant. (…) Dans l’ombre, Marcelin Deschamps attendait son heure. Il avait été inventé pour cela, parions-nous. Tweet après tweet, toutes ces années, Mehdi Meklat avait accompli sa pulsion de mort freudienne: l’instrument de sa destruction salutaire, quand il faudrait se punir d’être allé au bout. Alors, le châtiment jaillirait. Voilà ce que je suis, voilà ce que vous admirez, beuglerait Marcelin aux amants de Mehdi."

(je pensais ne plus m'intéresser à ce cas, mais ce que vous dites est intéressant)

Encore une lecture politique, qui n'est pas seulement celle des "jeux radicaux" des jeunes, mais plutôt de l'ordre de la "vraie" radicalité, à la Fanon ou à la Sartre: c'est le devoir de décevoir (les ex-colonisateurs), qui s'impose politiquement (aux post-colonisés), ne serait-ce que par refus du paternalisme… "Votre déception, c'est notre émancipation, parce que votre satisfaction, c'est notre prison", etc…

https://twitter.com/samdemange01/status ... 40/photo/1

Bon, c'est les "Indigènes de la République", cette lecture - que je pense partiellement vraie, parce qu'elle est psychologiquement plausible - même si ça me semble sans issue, parce que saboter les attentes (trop) bienveillantes, c'est toujours marquer la dépendance vis à vis de papa-maman…

lundi 21 novembre 2016

J'ai passé deux jours à Paris, chez un ami à la bibliothèque d'autant plus fournie qu'elle a été complétée par des dons de livres récents. J'ai donc profité de l'occasion pour feuilleter:

• la biographie de Fouché par Emmanuel de Waresquiel, "Les silences de la pieuvre" : j'y ai appris que les 209 crânes des mitraillés (au canon) de 1793 dans la "plaine des Brotteaux" se trouvent dans la petite église domincaine à côté de chez moi. Et que le tribunal révolutionnaire de la place des Terreaux rendait sa sentence souvent en un geste: toucher la hache = guillotine, toucher le front = fusillade.
• "Le Choc des civilisations" de Samuel Huntigton (1997), enfin: cela m'a semblé très sobre et raisonnable. Je retiens les schémas de la réaction à la modernisation, qui provoque ré-identarisation; et de la complexité des conflits à plusieurs acteurs et "niveaux" (où les soutiens internationaux ne sont plus idéologiques, mais civilisationnels). Bonne analyse du conflit de Yougoslavie, basée sur la démographie. Et des 6 motifs qui peuvent rendre "l'islam" structurellement ou contingentement agressif…
• de Jared Diamond, Guns, Germs, and Steel: The Fates of Human Societies, à savoir
De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire (2000). J'en rentiens la "question de Yari" ("pourquoi les blancs ont tant de "cargo"…?"); et le chapître sur comment l'Afrique devient noire (migration de bantous, auparavant minoritaires): encore la démographie…
• une page du J_P Kauffmann, "Outre-terre", sur la bataille d'Eylau et "l'impossibilité de la reconstitution": juste la page, comme par hasard, où des antiquaires quarantenaires, qui "comme beaucoup de gens de leur génération, n'ont d'autre culture que cinématographique", comparent la charge des 15000 cuirassés à Eylau, à celle des Rohirrim du film de P. Jackson…
• "Géopolitique du goût. La guerre culinaire" (2015) de Christian Boudan: où est soulignée la façon dont l'islam (l'interdiction du vianigre!) a "fossilisé" la cuisine nord-afrcaine, en la cantonnant dans les goûts sucrés…
• de Michel Goya, "Sous le feu : La mort comme hypothèse de travail" (2014): je retiens le fait que la mesure de l'efficience au combat doit prendre en compte la sous-efficience de la majorité des gens, et la chance…

lundi 20 juin 2016

18 Jan 2016
Je ne connaissais pas, ou plutôt n'avais pas fait le rapprochement, entre des articles lus ici et là et cet anthropologue (anglais?) d'Oxford, bossant avec le CNRS et l'ENS, etc… qui se veut "cognitiviste" (à la mode anglo-saxonne, et ces approches me convainquent en général).

Ce matin à la France Culture, ce Scott Atran disait sur l'EI-DAESH des choses parfois un peu fausses, parfois un peu vraies. Parmi celles-ci, le fait qu'on aura du mal à comprendre les jeunes recrues, voire les terroristes, tant qu'on n'aura pas admis que le Jihad, quand on se met vraiment dedans, c'est objectivement super!

Article très bavard et long (en anglais), mais qui va dans le même sens:

https://aeon.co/essays/why-isis-has-the ... revolution

Il applique le même raisonnement utilitariste pour la religion en général, ou pour la nation: on ne voit franchement pas pourquoi ça aurait été inventé, alors que c'est absurde, si ça n'était pas si utile, si convaincant, et donc attrayant. Et on ne comprendrait pas pourquoi plein de jeunes, en France ou Espagne, seraient ou se diraient séduits, si ça ne répondait pas très clairement à leurs attentes, à leurs désirs, à leurs besoins. DAESH est un bon produit, donc pas de raison que ça périclite!


"An ICM poll in August 2014 suggested that a quarter of France’s young adults of all creeds, aged 18 to 24, had at least a ‘somewhat favourable’ attitude towards ISIS. These specific results have not been replicated. But after the January 2015 Charlie Hebdo attacks, our research team set out to probe support in France and Spain for values favouring and opposing those professed by the Islamic State: for example, the strict Sharia of the Caliphate versus religious equality and tolerance of dissent in democracies. Among young people in the hovels and grim housing projects of the Paris banlieues, we found fairly wide tolerance or support for ISIS’s values, and even for the brutal actions carried out in their name. In Spain, among a large population sample, we found little willingness to fight in order to defend democratic values against onslaught."

dimanche 19 juin 2016

Le thèse de l'anti-chrétien notoire qu'est Paul Veyne est que le christianisme, et surtout l'Eglise Catholique, n'a jamais fait que du suivisme, et encore avec réticence, et en traînant les pieds. Quand ça l'arrangeait de soutenir les puissants, il élabora l'idée de pouvoir de droit divin. Quand les souverains commençerent à regimber, et à lui marcher sur les pieds, il "inventa" l'interprétation de la "séparation" des pouvoirs (à partir du fameux "rendre à César ce qui est à César…"), juste pour sauvegarder sa prétention à l'autonomie, et à la souveraineté interne. Quand les Lumières ont fini par triompher, alors il s'accapara les Lumières, en validant (tardivement) le rationalisme, et en "inventant" la notion politique d'"égalité", vers 1848. Quand le moment politique est à l'Europe, l'Eglise veut incarner (et sauver) l'Europe; les martiens arriveraient, que le christianisme se teinterait d'une nuance rouge…

Je schématise - et ce n'est que la thèse de Veyne. Qui ajoute que, selon lui, l'Europe n'a pas de racines chrétiennes - c'est juste que le christianisme s'est de fait enraciné en Europe, et a donc, par la force des choses, du se "convertir" aux fondamentaux et aux évolutions de la pensée européenne…Notez bien que Paul Veyne (dont je ne partage pas nécessairement toutes les idées!) est sur un peu tous les points et depuis le début un provocateur! Cela a pu consister, dans les années 60, à soutenir qu'il n'y avait ni de "sens" (politique…) ni même d'intelligibilité autre que "narrative" de l'Histoire. Pour Veyne, s'il y a dynamisme des choses, c'est de façon "épigénétique", et ce n'est qu'après coup qu'on reconstitue, un peu artificiellement ou idéologiquement, des "causes" ou des "origines" - alors que le résultat eut sans doute pu être tout autre…

Je me souviens de la manière très amusante dont Veyne avait, à la télé, cassé la baraque de l'exposition « Rome et les Barbares, la naissance d'un nouveau monde », montée au palazzo Grassi de Venise en 2008 (déjà), par Jean-Jacques Aillagon (qui ça?…), l'ancien ministre de la culture de Chirac (ah…). Comme c'était une expo "officielle", les discours qui l'entouraient étaient, disons, euphémistiques et très politiques : on était invité à y voir et à célébrer les prémisses de l'Europe Franco-allemande, du "métissage" des cultures et des économies, etc… Bref.

Donc, Veyne, sur je ne sais plus quel plateau, en présence du ministre, était ce jour là de mauvaise humeur: on lui demande : "M. Veyne, quels réels apports culturels ou juridiques ces prétendus barbares ont finalement apporté à Rome et à l'Europe?"

Veyne répond: "Aucun… ça a été une catastrophe, pendant des siècles une «clochardisation» collective, un laisser-aller général. Les germains n'ont "strictement rien" apporté sur le plan culturel ou politique, ils ont copié les institutions romaines en "parvenus", en les "bouzillant" au passage, parce que c'était la façon la plus simple d'exercer la force. Rome est tombée "à la suite d'une série d'accidents. Mais il n'y a jamais eu de décadence romaine. L'Empire a chuté parce que trop de Barbares avaient attaqué au même moment… Cela a provoqué un foutoir de tous les diables..." (sic!), leur arrivée a causé une "terrible régression", "la fin de l'empire a été une tragédie". Etc… Ambiance sur le plateau, parmi les officiels et les organisateurs, dont la visée était toute autre - dont je me souviens encore…
Le blogger Jacques Raillane (alias aboudjaffar, Le Monde) raille un peu, en énumérant ce qu'on aura pu entendre, pas seulement au café du commerce, mais chez des "experts" ou dans les media, même au niveau officiel, ces dernières années:

« Al Qaïda n’existe pas. »
« Tout ça, ce sont des voleurs de poules. Aucun véritable danger. »
« Les révolutions arabes marquent l’échec du jihadisme. »
« Tout ça s’arrêtera lorsque la Palestine sera un Etat. »
« Boko Haram ne frappera pas en dehors du Nigeria »
« AQMI sera balayée en une semaine. »
« L’islam confrérique est le meilleur antidote contre le jihad. »
« Vous vous trompez, la vraie menace, ce sont les Frères musulmans. »
« Le terrorisme au Mali est résiduel. »
« Les services tchadiens sont très efficaces. »
« Arrêtez de perdre votre temps avec vos histoires d’ONG prosélytes. »
« Il n’y a plus de menace en Europe. On va pouvoir passer à autre chose. »
« La CIA a créé Al Qaïda. »
« Ils n’ont aucun projet politique. »
« L’armée égyptienne va régler le problème facilement. »
« La méthode russe dans le Caucase a marché. Regardez, tout y est calme. »
« Mohamed Merah était un loup solitaire. »
« Ils sont drogués. Comment, sinon, expliquer cette violence aveugle ? »
« L’islamisme radical est une invention colonialiste. »
« Rendez-vous compte, un jihadiste qui tente de tuer des policiers, on n’avait jamais vu ça ! Comment le prévoir ? »