dimanche 19 juin 2016

Le thèse de l'anti-chrétien notoire qu'est Paul Veyne est que le christianisme, et surtout l'Eglise Catholique, n'a jamais fait que du suivisme, et encore avec réticence, et en traînant les pieds. Quand ça l'arrangeait de soutenir les puissants, il élabora l'idée de pouvoir de droit divin. Quand les souverains commençerent à regimber, et à lui marcher sur les pieds, il "inventa" l'interprétation de la "séparation" des pouvoirs (à partir du fameux "rendre à César ce qui est à César…"), juste pour sauvegarder sa prétention à l'autonomie, et à la souveraineté interne. Quand les Lumières ont fini par triompher, alors il s'accapara les Lumières, en validant (tardivement) le rationalisme, et en "inventant" la notion politique d'"égalité", vers 1848. Quand le moment politique est à l'Europe, l'Eglise veut incarner (et sauver) l'Europe; les martiens arriveraient, que le christianisme se teinterait d'une nuance rouge…

Je schématise - et ce n'est que la thèse de Veyne. Qui ajoute que, selon lui, l'Europe n'a pas de racines chrétiennes - c'est juste que le christianisme s'est de fait enraciné en Europe, et a donc, par la force des choses, du se "convertir" aux fondamentaux et aux évolutions de la pensée européenne…Notez bien que Paul Veyne (dont je ne partage pas nécessairement toutes les idées!) est sur un peu tous les points et depuis le début un provocateur! Cela a pu consister, dans les années 60, à soutenir qu'il n'y avait ni de "sens" (politique…) ni même d'intelligibilité autre que "narrative" de l'Histoire. Pour Veyne, s'il y a dynamisme des choses, c'est de façon "épigénétique", et ce n'est qu'après coup qu'on reconstitue, un peu artificiellement ou idéologiquement, des "causes" ou des "origines" - alors que le résultat eut sans doute pu être tout autre…

Je me souviens de la manière très amusante dont Veyne avait, à la télé, cassé la baraque de l'exposition « Rome et les Barbares, la naissance d'un nouveau monde », montée au palazzo Grassi de Venise en 2008 (déjà), par Jean-Jacques Aillagon (qui ça?…), l'ancien ministre de la culture de Chirac (ah…). Comme c'était une expo "officielle", les discours qui l'entouraient étaient, disons, euphémistiques et très politiques : on était invité à y voir et à célébrer les prémisses de l'Europe Franco-allemande, du "métissage" des cultures et des économies, etc… Bref.

Donc, Veyne, sur je ne sais plus quel plateau, en présence du ministre, était ce jour là de mauvaise humeur: on lui demande : "M. Veyne, quels réels apports culturels ou juridiques ces prétendus barbares ont finalement apporté à Rome et à l'Europe?"

Veyne répond: "Aucun… ça a été une catastrophe, pendant des siècles une «clochardisation» collective, un laisser-aller général. Les germains n'ont "strictement rien" apporté sur le plan culturel ou politique, ils ont copié les institutions romaines en "parvenus", en les "bouzillant" au passage, parce que c'était la façon la plus simple d'exercer la force. Rome est tombée "à la suite d'une série d'accidents. Mais il n'y a jamais eu de décadence romaine. L'Empire a chuté parce que trop de Barbares avaient attaqué au même moment… Cela a provoqué un foutoir de tous les diables..." (sic!), leur arrivée a causé une "terrible régression", "la fin de l'empire a été une tragédie". Etc… Ambiance sur le plateau, parmi les officiels et les organisateurs, dont la visée était toute autre - dont je me souviens encore…

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