Michel Houellebecq, en réponse
aux critiques en imprudence ou en islamophobie faites à son
"Soumission", en 2015, avait répondu: "Je ne suis pas un intellectuel.
Je ne prends pas parti, je ne défends aucun régime. Je dénie toute
responsabilité, je revendique l'irresponsabilité, même, carrément."
L'artiste ne peut être contrôlé, moralisé, récupéré: "«Mon rôle n'est
pas d'aider à la cohésion sociale. Je ne suis ni instrumentalisable, ni
responsable» a-t-il ajouté juste après les attentats de Charlie Hebdo.
Les responsables socio-politiques idiots qui ont voulu instrumentaliser, récupérer Black M, en le faisant chanter à Verdun - pour faire œuvrer ses chansons à la "cohésion sociale" - auraient du méditer cela, et lire ou écouter ses paroles. Black M lui même signala, en disant qu'il allait faire un concert comme les autres (à savoir clamer du rap de la Porte de la Chapelle, communautariste, virtuose, faussement jovial, cathartique, broyage de langue d'ego et d'identité franco-africaines - et pas du catéchisme républicain) a été bêtement sincère: il se savait "irresponsable", en cela que son "art pour l'art" n'accède à une moralité fragile et réversible qu'au degré trois (voir ci dessous), puisque la matière majoritaire de ses paroles, c'est… le Mal.
Cela, Black M, ("black" pour la peau, mais aussi pour la nuit noire de la morale égarée - "M" pour "mesrimes", en écho, dit-on, à Mesrines, ennemi public n°1 & braqueur facho-libertaire mort en St Sébastien comme on sait) est en effet un héritier de Baudelaire - certes ici de rue ou de cour de récré. Il chante l'emprise du Mal, la constitution d'un Idéal frelaté, & l'aspiration tardive au Bien, mais la réaffirmation de la Révolte donc du Mal… comme voie paradoxale vers le Bien: c'est un Satan romantique (ou, comme il dit, un Sheitan, plutôt - tiens, Vincent Cassel, nommément cité comme modèle de vie et de conduite, a joué aussi bien dans "Mesrine" que dans "Sheitan"…)
"Irrécupérable", Black M l'est assez, et ce dans tous les sens possibles - même sur le plan de son intégrité ou de la "valeur" de sa musique: parce que la posture est cliché, et qu'il n'y a eu qu'un Baudelaire, on ne peut même pas dire qu'il soit, ni subversif, ni non-subversif. Peut-être est-ce là l'échec de l'artiste, mais on ne peut lui contester la création du malaise… Voyons deux chansons presque au hasard. "A force de", et "Je ne dis rien".
Dans "A force de", le chanteur dit lucidement un égarement, et même le confesse:
http://www.paroles.net/black-m/paroles-a-force-d-etre
"À force d'être dans le haram, j'ai niqué ma life
Mais, eux, ils ne le voient ap parce que, quand j'kick, ils m'acclament
À force d'être dans le haram, j'n'y vois plus que du black".
Le "haram"? Pour le musulman revendiqué qu'est Black M, c'est classiquement: la rue, la musique, la vie de boites de nuit, la boisson, voire la drogue, le donjuanisme avec les filles faciles, l'inflation de l'égo, vanité et colère, et en plus frapper sa femme et briser son couple… Mais de cette "mala vita" vient l'inspiration des chansons, l'identité de chanteur, et le succès même:
"…dans ma vie, je fais qu'du sale
À force d'être dans le haram, bah, forcement, du biff, y'en a
Et elles veulent toutes montrer leur cavu, comme cette pute de Rihanna
À force d'être dans le haram, au 'tier-quar', j''ves-qui' tous les 'res-frè'
Parce que, au lieu d'apprendre leur sourate, les petits, ils chantent tous mes refrains
À force d'être dans le haram, j'suis un mec de la night"
Ce mauvais sujet est donc le Mauvais Exemple, la part maudite de la communauté, le mouton noir, qui "esquive les frères" (les musulmans moralisateurs, donc le Bien), et ne change pas de vie, tout en y voyant un suicide - et qui corrompt la jeunesse!
"À force d'être dans le haram, j'n'ai plus aucune limite
Ne m'prenez pas pour un exemple, ouais, j'm'en branle que le petit 're-frè' m'imite
À force d'être dans le haram, Big Black M a l'plus gros des égos
J'parle en connaissance de cause, me demande pas si ça va
À force d'être dans le haram, j'vais devenir fou, oh mon dieu"
Comment peut-on vouloir faire servir cette chanson, plus verlainienne que baudelairienne peut-être, "socialement" à quoi que ce soit? Elle dit une impasse, car elle montre que vouloir vivre & être, c'est vivre le Mal même, et que le Mal séduira jusqu'à ceux qui tirent plaisir le pervers de sa (vraie-fausse) exhibition, qui est une (vraie-fausse) dénonciation… Si on en fait une chanson de repentir, c'est oublier le paradoxe du fait que Black M s'y montre à la fois perdu dans une forêt obscure, mais impénitent. Si on veut en faire une chanson sur la liberté, l'indépendance par rapport à la morale (islamique ou autre), c'est oublier que ce sont, bien sur, les "frères", ceux qui disent le "haram" et le "halal", qui ont objectivement raison, en tant que voix de la Communauté, qu'ils sont bel et bien le Bien - et que le rap, c'est le Mal, pas le Bien - même quand il est désir ou nostalgie du Bien. Et que c'est ce pour quoi les jeunes l'écoutent… pas pour commémorer, mais pour vivre la "night"…
Autre chanson: "Je ne dirai rien".
http://www.paroles.net/black-m/paroles-je-ne-dirai-rien
Ici s'ouvre un pseudo-dialogue avec une femme de la "night", critiquée pour son narcissisme, son matérialisme, son attrait pour les choses qui brillent - auquel Black M adresse, mais sous la forme perverse de la prétérition, une sorte de réprimande moralisante, comme en pourraient, pour le coup, en servir des "frères" jugeant sa vie très "haram"… Là où ça devient louche, c'est quand, ajoutant aux reproches "d'ami", Black M fait savoir, de façon socratique, que si la dame se conduit en pouffe, elle sera traité comme telle:
"Et tu m'dis : Pourquoi j'trouve pas d'mecs bien ? Pourquoi les mecs s'comportent tout comme des chiens ?
TA GUEULE ! Parce que t'es stupide
Matérialiste, cupide, stupide, stupide, stupide, stupide
Et tu te crois super intelligente et mature
Hélas, la seule raison pour laquelle on t'écoute sont tes obus
Sinon t'as pas un 06 j'crois que j'ai l'coup de foudre
Eeeuh non ! bon ok vas te faire foutre"
Cette fille intéressée ("Big Black M ! Pas du genre à se faire piquer par ta taille de guêpe Trop cash peut-être, parce que je sais qu'le mal me guette Je sais que c'est bête, mais t'es la juste parce que j'ai cé-per. Et si moi je suis un macho, dis moi toi t'es quoi?"), en fait est comme un miroir du chanteur - les damnés de la "night", de la mauvaise vie, se rassemblent, se ressemblent tous. Et de nouveau, le chanson devient le miroir de la conscience : "Les yeux plus grands que le monde" est le titre de l'album.
Tu vis dans tes idéaux donc t'as délaissée l'bac
Tu ne mérites que la Clio mais tu veux la Maybach
Tu regardes les gens de haut, les yeux plus gros qu'la black card
Carlton et les beaux tels-hô vu qu'tu sautes les étapes
Toujours une nouvelle envie chaque seconde, rien est assez bien pour oit
Faudrait qu'on t'offre les merveilles de ce monde, bien emballés dans une boite"
Syllogisme: si la fille matérialiste semi-pute est cette chercheuse "d'idéal" aux "yeux plus gros que", alors le chanteur n'est pas différent d'elle: lui aussi est, somme toute, cette prostituée affamée attiré par ce qui brille. Et ils se trouvent, dans l'enfer de la "boite", comme semblables damnés - la moralisation se situe donc au niveau deux ou trois, le stigmate du Mal englobe toute une humanité enfermée dans le faux - qui est pourtant le seul vivable. "Mon enfant, ma sœur"… Baudelaire encore, surtout dans ce poème ("Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre…"):
"Pour avoir des souliers elle a vendu son âme.
Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme,
Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur,
Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur."
Black M se hausse-t-il jusqu'à comprendre sa mauvaise foi, et retourner en ironie contre lui son "Je ne dirai rien", digne de Tartuffe? Je crois que oui.
D'autres, des féministes (bien sur!) pensent que non - et qu'il insulte la pauvre fille, justement parce qu'elle vient s'offrir, mais finalement ne couche pas: le double-bind du macho, qui veut des filles faciles et après se plaint de ne pas pouvoir les respecter! Le moral et l'immoral, le désir et la conscience, la halal et le haram comme double piège sans issue…
http://www.lecinemaestpolitique.fr/foru ... epugnante/
(une féministe, ci-dessus: "Je ne comprends pas que cette chanson ne soit pas plus critiquée, à chaque écoute je me sens personnellement insultée, je sens l’ensemble des femmes cherchant à exprimer leurs beautés et leurs indépendances insultées, je sens aussi des hommes ne répondant pas à ces stéréotypes machistes être insultés. Il n’y a aucun respect et plus que tous je me sens inutile et impuissante face à cette chanson qui envahi les oreilles des plus jeunes générations en pleine apprentissage des valeurs de la vie. Voilà qu’elle sera leur valeur : nous des grosses salopes, et ne nous plaignons pas de nos malheurs, c’est forcément de notre faute ! (…) On pourrait peut-être écrire en masse aux radios pour ados qui diffusent cette chanson, leur expliquer poliment ce qui nous choque et leur suggérer d’organiser un débat sur le slut-shaming et la culture du viol à une heure de grande écoute."
Ah oui, mais Black M le sait: les ados l'écoutent, et ils l'écoutent parce que ce qu'il dit, c'est en effet, en quelque point qu'on le prenne, l'absence du Bien. C'est la "Night", c'est la Réalité… C'est irrécupérable, même pas subversif, complètement commercial, comme tous les poisons modernes qui se vendent en boite… C'est pas éducatif, mais c'est éducateur, c'est Black Baudelaire frelaté, jouisseur, doloriste et pervers, débité au kilomètre - c'est le Mal.
------------------------------------
Cela n'avait donc rien à faire à Verdun - où il ne s'agissait pas de chanter le Mal comme condition existentielle, mais de le dépasser par le Haut. Il y fallait de la musique, sans paroles, et pas de la poésie de bastringue, pas du rap de "sheïtan" de boxon. Contresens intéressant, par ailleurs: en voulant convoquer un mini-Hugo consensuel, anti-raciste et républicain pour les "jeunes", les organisateurs se sont adressés à un "Baudelaire", certes de sous-préfecture, black & nihiliste - et ouvraient de ce fait la voie, soit à du Céline, soit au repentir au profit des Frères musulmans ou pire…
Allez, repos: si l'artiste Black M est "irrécupérable", l'individu Alpha Diallo sait quand même très bien où il (et son public) se situe : (2013) "Bon ramadan a tous les musulmans du monde entier! Pendant 1 moi m apler plus BlackM mais monsieur Diallo le villageois! Bon ramadan à tous!" - le tout main sur le Coran, photo à l'appui - Quoi? Mais alors, "BlackM" c'est juste un rôle, un costume de nuit que M. Diallo peut poser en se vouant, un mois durant, au Bien prescrit par la communauté? C'est donc que du Spectacle, tout ça, de la comédie, un satan de pacotille? Oooh, décidément, la chanson, le show-biz, c'est pas sérieux. Ou alors c'est encore de la poésie vulgarisée,devenue vieillote - Baudelaire "sataniste" catholique, Verlaine débauché bondieusard… La "poésie" non plus, pas sérieux. Reste la musique…
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile…
19 Mai 2016
Les responsables socio-politiques idiots qui ont voulu instrumentaliser, récupérer Black M, en le faisant chanter à Verdun - pour faire œuvrer ses chansons à la "cohésion sociale" - auraient du méditer cela, et lire ou écouter ses paroles. Black M lui même signala, en disant qu'il allait faire un concert comme les autres (à savoir clamer du rap de la Porte de la Chapelle, communautariste, virtuose, faussement jovial, cathartique, broyage de langue d'ego et d'identité franco-africaines - et pas du catéchisme républicain) a été bêtement sincère: il se savait "irresponsable", en cela que son "art pour l'art" n'accède à une moralité fragile et réversible qu'au degré trois (voir ci dessous), puisque la matière majoritaire de ses paroles, c'est… le Mal.
Cela, Black M, ("black" pour la peau, mais aussi pour la nuit noire de la morale égarée - "M" pour "mesrimes", en écho, dit-on, à Mesrines, ennemi public n°1 & braqueur facho-libertaire mort en St Sébastien comme on sait) est en effet un héritier de Baudelaire - certes ici de rue ou de cour de récré. Il chante l'emprise du Mal, la constitution d'un Idéal frelaté, & l'aspiration tardive au Bien, mais la réaffirmation de la Révolte donc du Mal… comme voie paradoxale vers le Bien: c'est un Satan romantique (ou, comme il dit, un Sheitan, plutôt - tiens, Vincent Cassel, nommément cité comme modèle de vie et de conduite, a joué aussi bien dans "Mesrine" que dans "Sheitan"…)
"Irrécupérable", Black M l'est assez, et ce dans tous les sens possibles - même sur le plan de son intégrité ou de la "valeur" de sa musique: parce que la posture est cliché, et qu'il n'y a eu qu'un Baudelaire, on ne peut même pas dire qu'il soit, ni subversif, ni non-subversif. Peut-être est-ce là l'échec de l'artiste, mais on ne peut lui contester la création du malaise… Voyons deux chansons presque au hasard. "A force de", et "Je ne dis rien".
Dans "A force de", le chanteur dit lucidement un égarement, et même le confesse:
http://www.paroles.net/black-m/paroles-a-force-d-etre
"À force d'être dans le haram, j'ai niqué ma life
Mais, eux, ils ne le voient ap parce que, quand j'kick, ils m'acclament
À force d'être dans le haram, j'n'y vois plus que du black".
Le "haram"? Pour le musulman revendiqué qu'est Black M, c'est classiquement: la rue, la musique, la vie de boites de nuit, la boisson, voire la drogue, le donjuanisme avec les filles faciles, l'inflation de l'égo, vanité et colère, et en plus frapper sa femme et briser son couple… Mais de cette "mala vita" vient l'inspiration des chansons, l'identité de chanteur, et le succès même:
"…dans ma vie, je fais qu'du sale
À force d'être dans le haram, bah, forcement, du biff, y'en a
Et elles veulent toutes montrer leur cavu, comme cette pute de Rihanna
À force d'être dans le haram, au 'tier-quar', j''ves-qui' tous les 'res-frè'
Parce que, au lieu d'apprendre leur sourate, les petits, ils chantent tous mes refrains
À force d'être dans le haram, j'suis un mec de la night"
Ce mauvais sujet est donc le Mauvais Exemple, la part maudite de la communauté, le mouton noir, qui "esquive les frères" (les musulmans moralisateurs, donc le Bien), et ne change pas de vie, tout en y voyant un suicide - et qui corrompt la jeunesse!
"À force d'être dans le haram, j'n'ai plus aucune limite
Ne m'prenez pas pour un exemple, ouais, j'm'en branle que le petit 're-frè' m'imite
À force d'être dans le haram, Big Black M a l'plus gros des égos
J'parle en connaissance de cause, me demande pas si ça va
À force d'être dans le haram, j'vais devenir fou, oh mon dieu"
Comment peut-on vouloir faire servir cette chanson, plus verlainienne que baudelairienne peut-être, "socialement" à quoi que ce soit? Elle dit une impasse, car elle montre que vouloir vivre & être, c'est vivre le Mal même, et que le Mal séduira jusqu'à ceux qui tirent plaisir le pervers de sa (vraie-fausse) exhibition, qui est une (vraie-fausse) dénonciation… Si on en fait une chanson de repentir, c'est oublier le paradoxe du fait que Black M s'y montre à la fois perdu dans une forêt obscure, mais impénitent. Si on veut en faire une chanson sur la liberté, l'indépendance par rapport à la morale (islamique ou autre), c'est oublier que ce sont, bien sur, les "frères", ceux qui disent le "haram" et le "halal", qui ont objectivement raison, en tant que voix de la Communauté, qu'ils sont bel et bien le Bien - et que le rap, c'est le Mal, pas le Bien - même quand il est désir ou nostalgie du Bien. Et que c'est ce pour quoi les jeunes l'écoutent… pas pour commémorer, mais pour vivre la "night"…
Autre chanson: "Je ne dirai rien".
http://www.paroles.net/black-m/paroles-je-ne-dirai-rien
Ici s'ouvre un pseudo-dialogue avec une femme de la "night", critiquée pour son narcissisme, son matérialisme, son attrait pour les choses qui brillent - auquel Black M adresse, mais sous la forme perverse de la prétérition, une sorte de réprimande moralisante, comme en pourraient, pour le coup, en servir des "frères" jugeant sa vie très "haram"… Là où ça devient louche, c'est quand, ajoutant aux reproches "d'ami", Black M fait savoir, de façon socratique, que si la dame se conduit en pouffe, elle sera traité comme telle:
"Et tu m'dis : Pourquoi j'trouve pas d'mecs bien ? Pourquoi les mecs s'comportent tout comme des chiens ?
TA GUEULE ! Parce que t'es stupide
Matérialiste, cupide, stupide, stupide, stupide, stupide
Et tu te crois super intelligente et mature
Hélas, la seule raison pour laquelle on t'écoute sont tes obus
Sinon t'as pas un 06 j'crois que j'ai l'coup de foudre
Eeeuh non ! bon ok vas te faire foutre"
Cette fille intéressée ("Big Black M ! Pas du genre à se faire piquer par ta taille de guêpe Trop cash peut-être, parce que je sais qu'le mal me guette Je sais que c'est bête, mais t'es la juste parce que j'ai cé-per. Et si moi je suis un macho, dis moi toi t'es quoi?"), en fait est comme un miroir du chanteur - les damnés de la "night", de la mauvaise vie, se rassemblent, se ressemblent tous. Et de nouveau, le chanson devient le miroir de la conscience : "Les yeux plus grands que le monde" est le titre de l'album.
Tu vis dans tes idéaux donc t'as délaissée l'bac
Tu ne mérites que la Clio mais tu veux la Maybach
Tu regardes les gens de haut, les yeux plus gros qu'la black card
Carlton et les beaux tels-hô vu qu'tu sautes les étapes
Toujours une nouvelle envie chaque seconde, rien est assez bien pour oit
Faudrait qu'on t'offre les merveilles de ce monde, bien emballés dans une boite"
Syllogisme: si la fille matérialiste semi-pute est cette chercheuse "d'idéal" aux "yeux plus gros que", alors le chanteur n'est pas différent d'elle: lui aussi est, somme toute, cette prostituée affamée attiré par ce qui brille. Et ils se trouvent, dans l'enfer de la "boite", comme semblables damnés - la moralisation se situe donc au niveau deux ou trois, le stigmate du Mal englobe toute une humanité enfermée dans le faux - qui est pourtant le seul vivable. "Mon enfant, ma sœur"… Baudelaire encore, surtout dans ce poème ("Je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre…"):
"Pour avoir des souliers elle a vendu son âme.
Mais le bon Dieu rirait si, près de cette infâme,
Je tranchais du Tartufe et singeais la hauteur,
Moi qui vends ma pensée et qui veux être auteur."
Black M se hausse-t-il jusqu'à comprendre sa mauvaise foi, et retourner en ironie contre lui son "Je ne dirai rien", digne de Tartuffe? Je crois que oui.
D'autres, des féministes (bien sur!) pensent que non - et qu'il insulte la pauvre fille, justement parce qu'elle vient s'offrir, mais finalement ne couche pas: le double-bind du macho, qui veut des filles faciles et après se plaint de ne pas pouvoir les respecter! Le moral et l'immoral, le désir et la conscience, la halal et le haram comme double piège sans issue…
http://www.lecinemaestpolitique.fr/foru ... epugnante/
(une féministe, ci-dessus: "Je ne comprends pas que cette chanson ne soit pas plus critiquée, à chaque écoute je me sens personnellement insultée, je sens l’ensemble des femmes cherchant à exprimer leurs beautés et leurs indépendances insultées, je sens aussi des hommes ne répondant pas à ces stéréotypes machistes être insultés. Il n’y a aucun respect et plus que tous je me sens inutile et impuissante face à cette chanson qui envahi les oreilles des plus jeunes générations en pleine apprentissage des valeurs de la vie. Voilà qu’elle sera leur valeur : nous des grosses salopes, et ne nous plaignons pas de nos malheurs, c’est forcément de notre faute ! (…) On pourrait peut-être écrire en masse aux radios pour ados qui diffusent cette chanson, leur expliquer poliment ce qui nous choque et leur suggérer d’organiser un débat sur le slut-shaming et la culture du viol à une heure de grande écoute."
Ah oui, mais Black M le sait: les ados l'écoutent, et ils l'écoutent parce que ce qu'il dit, c'est en effet, en quelque point qu'on le prenne, l'absence du Bien. C'est la "Night", c'est la Réalité… C'est irrécupérable, même pas subversif, complètement commercial, comme tous les poisons modernes qui se vendent en boite… C'est pas éducatif, mais c'est éducateur, c'est Black Baudelaire frelaté, jouisseur, doloriste et pervers, débité au kilomètre - c'est le Mal.
------------------------------------
Cela n'avait donc rien à faire à Verdun - où il ne s'agissait pas de chanter le Mal comme condition existentielle, mais de le dépasser par le Haut. Il y fallait de la musique, sans paroles, et pas de la poésie de bastringue, pas du rap de "sheïtan" de boxon. Contresens intéressant, par ailleurs: en voulant convoquer un mini-Hugo consensuel, anti-raciste et républicain pour les "jeunes", les organisateurs se sont adressés à un "Baudelaire", certes de sous-préfecture, black & nihiliste - et ouvraient de ce fait la voie, soit à du Céline, soit au repentir au profit des Frères musulmans ou pire…
Allez, repos: si l'artiste Black M est "irrécupérable", l'individu Alpha Diallo sait quand même très bien où il (et son public) se situe : (2013) "Bon ramadan a tous les musulmans du monde entier! Pendant 1 moi m apler plus BlackM mais monsieur Diallo le villageois! Bon ramadan à tous!" - le tout main sur le Coran, photo à l'appui - Quoi? Mais alors, "BlackM" c'est juste un rôle, un costume de nuit que M. Diallo peut poser en se vouant, un mois durant, au Bien prescrit par la communauté? C'est donc que du Spectacle, tout ça, de la comédie, un satan de pacotille? Oooh, décidément, la chanson, le show-biz, c'est pas sérieux. Ou alors c'est encore de la poésie vulgarisée,devenue vieillote - Baudelaire "sataniste" catholique, Verlaine débauché bondieusard… La "poésie" non plus, pas sérieux. Reste la musique…
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile…
19 Mai 2016
toutes
mes analyses sont invalidées, depuis que j'ai entendu cet après-midi sur
France Culture des édudits apologistes du rap, dont un type directeur
général de Skyrock, nous rappeler l'essentiel sur Black M: ce désormais
"pur entertainer" inoffensif, aux 700000 albums (!), dont "le public est
composé de jeunes filles et de familles", est plébiscité surtout par
les "pré-pubères" (pas que par eux, mais en masse). BM est "une des
personnalités préférées des jeunes Français". La preuve en est que dans
la catégorie des artistes aimés par les… 7-14 ans, il arrive en position
5ème - palmarès publié dans… Le Journal de Mickey!!!
"Comme chaque année, Le Journal de Mickey a mené (avec Ipsos) sa grande enquête sur les personnalités préférées des 7-14 ans":
TOP 10:
N° 1 Cyprien
N° 2 Norman
N° 3 Kev Adams
N° 4 Maître Gims
N° 5 Black M
N° 6 Omar Sy
N° 7 Louane Emera
N° 8 Kendji Girac
N° 9 William Lebghil
N° 10 Stromae
http://www.franceculture.fr/emissions/d ... 9-mai-2016
https://www.journaldemickey.com/actus/e ... du-sondage
Black M n'est donc même pas un sous-Baudelaire-Rimbaud -Hugo, c'est Casimir qu'on invitait à Verdun!
Casimir ("je suis un mosntre qui fait rire!…", ou Guignol?
Analyses invalides, alors, que de mobiliser le XIXème siècle et la notion d'"Art", pour commenter ce qui est déjà bien du XXIème siècle, où la lamentation rappée du mauvais garçon "haram" mais gentil vise juste faire tripper les petits zenfants dans les langes?
Finalement, l'artiste comme saltimbanque/clown triste, pierrot tout blanc grivois & une larme au coin de l'oeil, & qui finit en peluche ou poupée dans une chambre de petite fille… ça continue à coller.
Parlons alors simplement d'une déclinaison de l'art officiel (celui adoubé par la République) vers l'infantile, l'art naïf ou brut, le musée des colonies…
"Comme chaque année, Le Journal de Mickey a mené (avec Ipsos) sa grande enquête sur les personnalités préférées des 7-14 ans":
TOP 10:
N° 1 Cyprien
N° 2 Norman
N° 3 Kev Adams
N° 4 Maître Gims
N° 5 Black M
N° 6 Omar Sy
N° 7 Louane Emera
N° 8 Kendji Girac
N° 9 William Lebghil
N° 10 Stromae
http://www.franceculture.fr/emissions/d ... 9-mai-2016
https://www.journaldemickey.com/actus/e ... du-sondage
Black M n'est donc même pas un sous-Baudelaire-Rimbaud -Hugo, c'est Casimir qu'on invitait à Verdun!
Casimir ("je suis un mosntre qui fait rire!…", ou Guignol?
Analyses invalides, alors, que de mobiliser le XIXème siècle et la notion d'"Art", pour commenter ce qui est déjà bien du XXIème siècle, où la lamentation rappée du mauvais garçon "haram" mais gentil vise juste faire tripper les petits zenfants dans les langes?
Finalement, l'artiste comme saltimbanque/clown triste, pierrot tout blanc grivois & une larme au coin de l'oeil, & qui finit en peluche ou poupée dans une chambre de petite fille… ça continue à coller.
Parlons alors simplement d'une déclinaison de l'art officiel (celui adoubé par la République) vers l'infantile, l'art naïf ou brut, le musée des colonies…
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