jeudi 30 mars 2017

 Trouvé sur blog louche de fans de loups:

Qu’est-ce qu’un loup Oméga ?
Un loup Oméga est indispensable à la survie d’une meute, même s’il est placé au dernier rang.
Ce loup a pour mission instinctive de briser les hostilités pour faire baisser les tensions au sein d’une meute. Il est le bouc émissaire, le souffre-douleur, qui reçoit toute l’agressivité sociale du reste de la meute.
D’une certaine manière il est un petit guérisseur. Par ailleurs, il prend des coups et a une position peu enviable, car il se place au milieu des querelles pour essayer de calmer les autres loups, apaiser leurs stress, les faire passer de l’agressivité à la sérénité. De ce fait, il rétablit l’équilibre. C’est quand même un cadeau que d’avoir l’Oméga. Il est le dernier à manger dans la meute. Néanmoins, Il est parfois récompensé par l’alpha pour ces actions d’apaisement. Il est donc d’une grande utilité.
On le reconnaît à sa posture, fourrure aplatie, oreilles baissées, il rase le sol, la queue repliée entre les pattes.
Dans le monde des loups, toute la meute mange en fonction de ce que les loups représentent dans leurs essences absolues. Tous les rangs ont un rôle qui se respecte.
Quelle leçon l’homme a à prendre des loups ? La leçon des rangs, de l’attitude, la question est :
Qui je suis ? Pourquoi je suis là ? Pourquoi faire ?
Accepter ce que l’on est, trouver un équilibre, être en harmonie avec soi. Les loups ne trichent pas, ils sont ce qu’ils sont. Le premier a autant d’importance que le dernier dans leur monde. Car chacun connaît sa place. Si on ne comprend pas cela, c’est l’autodestruction.


Le chien est issu des loups Oméga domestiqués…

mardi 21 mars 2017

Musique électronique: Lorn (Illinois); Gesaffelstein (Lyon, pas tout); Vitalic (moins bien, Dijon)

Doom Metal: Runemagic (suédois, mais la voix ne me plait pas); Reverend Bizarre (finlandais, très lyrique)

samedi 18 mars 2017

varia:

• j'apprends tardivement que le "Captain Flam" des dessins animés japonais est l'adaptation des romans "Captain Future" d'Edward Hamilton, années 40 - non traduits en français jusqu'à il y a peu.

• j'apprends que le musicien de doom metal Paul Chain, italien, avait dans les années 70-80 un groupe de "evil metal" nommé "Death SS". Musicalement, c'est bien.

mardi 14 mars 2017

Lu ceci: de bonnes pages, sur la fin, synthétique, surtout:

François Noudelmann, Le Génie du Mensonge, 2015 (crit Phimag, Catherine Portevin)

Les philosophes, qui aiment la Vérité, seraient-ils en réalité des menteurs ? Géniaux ou honteux, créatifs ou rusés, mais tout de même des affabulateurs ? C’est la question provocante que pose François Noudelmann, sans une once de malice. Il part de son étonnement « sans doute naïf » à voir combien la vie de ses pairs philosophes est parfois en contradiction radicale avec leur doctrine. Le constat est tout bête, certes, et peut s’appliquer à tout un chacun, mais il gêne ou agace d’autant plus chez les philosophes qu’ils ont, par profession, le verbe haut et les idées élevées. Plus béant, donc, semble l’écart. Tel penseur de l’amour est un pingre, tel chantre de l’hédonisme un triste sire, Rousseau, qui écrit un fameux traité d’éducation, a abandonné ses cinq enfants, Sartre, philosophe de l’engagement, a vécu la guerre en planqué, Foucault prononce son cours sur « Le courage de la vérité » en dissimulant soigneusement être atteint du sida, Deleuze théorise le nomadisme mais déteste voyager et, tandis que le féminisme naissant se nourrit du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, celle-ci écrit des lettres brûlantes à son amant Nelson Algren où elle se rêve en femme soumise…
Il arrive qu’un auteur ne ressemble pas à ce qu’il écrit, peut-être même n’écrit-on jamais qu’à partir de ce qu’on n’est pas. Que faire de ce constat ? On peut en tirer une trop hâtive conclusion – en disqualifiant l’œuvre par la biographie. Ou bien le balayer avec dédain, comme s’il risquait d’attenter à la noblesse des idées. François Noudelmann, lui, prend le lieu commun au sérieux et la philosophie à revers en faisant, non de la Vérité, mais du mensonge un problème philosophique. Et c’est là que Le Génie du mensonge décolle et mène loin.

Il ne s’agit pas de jeter l’Émile au feu et le prof au milieu, d’invalider tout l’existentialisme de Sartre, encore moins de jeter le doute sur les fondements mêmes du féminisme. Ne s’appuyant que sur des philosophes qu’il admire (Rousseau, Sartre, Foucault, Beauvoir, Levinas, Derrida, Kierkegaard, Nietzsche…), il suspend tout jugement moral pour regarder méthodiquement comment ça marche ce « mensonge à soi-même », ce « mentir-vrai » qu’Aragon reconnaissait aux poètes et que l’on est si surpris de trouver chez les amoureux de la raison. Que disent ces écarts entre la théorie et la vie de l’activité de penser elle-même : « Qui sommes-nous lorsque nous pensons ? »
En usant des ressorts de la psychanalyse, c’est dans les œuvres même des penseurs-menteurs que Noudelmann détecte le chemin tortueux que prend la recherche de la vérité : fétichisme des concepts, personnalités multiples, « libido affirmandi » (le « désir d’affirmer »)  – piège névrotique typique de l’activité philosophique ! Il touche ainsi un point souvent aveugle chez les philosophes : la relation à soi-même, et au monde, qu’engage ce goût particulier pour l’abstraction des concepts. Ce n’est pas seulement que les philosophes seraient des menteurs, c’est leur activité même qui consiste, si l’on ose dire, à créer des vérités comme on crée des fictions. Si François Noudelmann désenchante ainsi la philosophie de sa croyance en l’exercice de la raison ou de ses rêves de « vérité nue », c’est pour inviter à la lire autrement, sensiblement, comme une affaire humaine, « trop humaine », dirait Nietzsche, qui se saisit autant dans ses chuchotements que dans ses proclamations magistrales. Lui qui naguère observait la relation des philosophes à la musique (dans Le Toucher des philosophes. Sartre, Nietzsche et Barthes au piano, paru chez Gallimard en 2008) ouvre ici à une écoute musicale de la philosophie. Comprendre une pensée, c’est d’abord savoir entendre une voix.

jeudi 9 mars 2017

Clips de Massive Attack (groupe dont je n'aime pas trop la musique par ailleurs): du beau linge, et bien filmés.

mercredi 1 mars 2017

Cette page de la cinémathèque française m'explique assez bien en quoi les (affreux) films de Jesse Franco constituent une séduisante (pour moi) borne de quasi non-retour, antidote à l'épuisante inutilité narrative du cinéma:

Fragments d’une filmographie impossible

« Une bibliothèque n’est pas complète sans les œuvres du Marquis de Sade »
Les Inassouvis
« Allons-y, mes chers amis, jouissez ! »
Exorcisme et messes noires
Jess Franco a réalisé près de deux cents films, un exploit que l’on pensait appartenir à une histoire révolue du cinéma et réservé à la génération des fabricants de séries B de l’âge d’or hollywoodien. Comme, disons, Allan Dwan ou Sam Newfield, pas à un cinéaste contemporain de ce que l’on a appelé la modernité cinématographique. La frénésie de tournage dont fait preuve Franco (il signera plus de 10 films en 1973, par exemple) et surtout les conditions mêmes dans lesquels il travaillait, ont véritablement bouleversé le statut de l’œuvre cinématographique tel qu’il s’était institué au moment « moderne » du cinéma, celui de l’affirmation de la toute-puissance symbolique de « l’auteur ». Ses films ont souvent plusieurs titres, existent en versions différentes, plus ou moins corsées selon les pays, en versions « habillées » ou « déshabillées », avec ou sans inserts érotiques ou pornographiques quelquefois montés directement sur la copie d’exploitation. D’un pays à l’autre parfois, le récit change par la grâce d’un nouveau montage et d’une autre postsynchronisation (Al otro lado del espejo/Le Miroir obscène), le genre aussi (entre Los Amantes de la Isla del Diablo et Quartier de femmes, il y a la distance qui sépare un mélodrame d’un film de prison érotique et brutal). Quand il ne réemploie pas les séquences d’un film tourné six ans plus tôt pour en faire un autre, remonté différemment et agrémenté de nouvelles scènes (Exorcisme et messes noires en 1974 devenant Le Sadique de Notre Dame en 1979). L’homme se cache souvent derrière une forêt de pseudonymes. L’inachèvement et l’indéfini sont consubstantiels de sa filmographie tout autant que l’énergie incroyable qui l’a fait croitre en s’enrichissant chaque année de plusieurs nouveaux titres.
Absolument contemporain de ce que l’on a appelé le cinéma moderne, Jess Franco n’a pas suivi la voie des meilleurs de sa génération, attachés à en finir avec le classicisme, à renouveler les formes et à recourir à diverses techniques de distanciation. En empruntant un chemin a priori diamétralement opposé de celui-ci, il n’en a pas moins mené une entreprise de déconstruction aussi radicale que celle d’un Godard. Car lorsque Franco commence à réaliser des films, toutes les histoires ont déjà été racontées par le cinéma. Son érudition cinéphilique (une constante de sa génération) constitue l’arrière-boutique intellectuelle d’une œuvre où, désormais, les mythologies des genres ne sont plus que des figures de rhétorique que le cinéaste met à nu. La beauté de son adaptation « fidèle » du Dracula de Bram Stocker (El Conde Dracula/Les Nuits de Dracula en 1969) réside justement dans ce dépouillement lyrique. Que reste-t-il alors ? L’émotion, la poésie, la pulsion à l’état chimiquement pur. Franco a enchaîné des films à petit budget, d’autant plus fascinants qu’ils semblaient ne plus rien raconter du tout.
L’œuvre de Jess Franco n’a été longtemps possible que parce qu’il existait des salles de quartiers. C’est à cette particularité de l’exploitation, à une époque où la consommation populaire du cinéma se repaissait de doubles programmes promettant de l’érotisme, de la terreur et de la violence, que l’on doit l’existence et l’évolution du cinéma de l’auteur de Gritos en la noche. C’est la logique de flux (deux nouveaux films chaque semaine) de ce que l’on appelle le cinéma-bis, les exigences de l’exploitation populaire, qui ont rendu possible l’art de Jess Franco et, paradoxalement, l’ont libéré de toute entrave.

Un itinéraire excentrique et souverain

Jesus Franco Manera est né en 1936, à Madrid. Il abandonne la faculté de droit pour étudier le cinéma et effectue un séjour à Paris, au début des années cinquante, où il a l’occasion de fréquenter la Cinémathèque française, en même temps que les futurs auteurs de la Nouvelle Vague. Il devient assistant notamment de cinéastes comme Leon Klimovsky ou Joaquin Romero Marchent mais aussi Juan Antonio Bardem qui a incarné le renouveau du cinéma espagnol. Après trois documentaires, il réalise son premier long-métrage en 1959, Tenemos 18 anos. C’est, en 1961, avec son cinquième film, une coproduction avec la France, que son cinéma va sortir des frontières de son pays, condition essentielle pour permettre à ses obsessions de se déployer à l’abri de la censure franquiste. Gritos en la noche/L’Horrible Docteur Orloff a été vu comme l’acte de naissance du cinéma d’horreur espagnol. Il est évident que le film n’aurait sans doute pas été possible sans le succès récent des bandes de terreur gothiques britanniques (Terence Fisher) tout autant que celui des relectures baroques du cinéma italien (Riccardo Freda, Mario Bava, Antonio Margheriti). Mais Gritos en la Noche est bien plus que cela. Le postulat prométhéen (un chirurgien fou tente de redonner sa beauté à sa fille défigurée en faisant enlever par son assistant monstrueux des jeunes filles dont il veut retirer la peau du visage) est constamment tourmenté par une ambiance malsaine, un érotisme parfois cru et trivial (la version française comporte de furtifs plans de poitrines dénudées), l’usage d’une musique de jazz dont l’effet expressionniste repose sur le décalage perceptif qu’elle produit (une forme de dissonance audio/visuelle), un remarquable sens du cadre et de la lumière et le sentiment d’une distanciation subtile, non dénuée d’humour, d’une redoutable intelligence.
S’ensuivit une série de titres sacrifiant superficiellement aux règles des genres, incroyablement stylés, dialoguant subrepticement autant avec les nouvelles vagues qu’avec la tradition de la série B hollywoodienne, comme La Muerte silba un blues/077 Opération Jamaïque en 1961, Rififi en la ciudad/Chasse à la mafia en 1963, Miss Muerte/Dans les griffes du Maniaque en 1965, Cartas bocas arriba/Cartes sur table en 1966. La Muerte silba un blues et Rififi en la ciudad le font remarquer d’Orson Welles, qui lui confie la direction de la seconde équipe de Chimes at midnight/Falstaff. Nul doute que l’auteur de Citizen Kane n’ait reconnu une sorte de petit cousin dans la personnalité et l’œuvre de Franco, sa manière de perdre le spectateur dans le labyrinthe de ses propres pulsions. Sa rencontre avec le producteur allemand Adrian Hoven est l’occasion pour Franco de se libérer davantage des conventions. Necronomicon, en 1967, est remarqué au festival de Berlin par Fritz Lang lui-même. Fausse œuvre-pop, fonctionnant par association d’idées, déployant à partir d’une intrigue minimale un champ ouvert sur un infini de sensations inédites, payant une dette autant à la bande dessinée et au roman-photo érotiques qu’à la poésie surréaliste, Necronomicon sera suivi de deux faux films d’aventures et d’espionnage, Kiss Me Monster et surtout Sadisterotica, où le cinéaste prend toute latitude par rapport à ses propres références et il livre une métaphore sur sa propre activité. Après le refus d’une proposition de travailler à Hollywood, la carrière de Franco va se découper en périodes correspondant aux années de travail avec des producteurs européens spécialisés dans le film à petit budget et spéculant sur les diverses libéralisations des censures, ouvrant la voie à un érotisme cinématographique de plus en plus décomplexé : l’Anglais Harry Alan Towers, les Français Robert De Nesle ou Marius Lesœur, le Suisse Edwin C. Dietrich. Chaque période paraît superficiellement marquée par un style particulier, pourtant le cinéma de Franco va demeurer fidèle à des obsessions que le cinéaste ne cesse de travailler, de creuser, de déployer, de ressasser.

Jess Franco voyeur

Le cinéma de Franco raconte-t-il encore des histoires ? Le cinéaste a souvent filmé le même scénario, répétant délibérément les mêmes intrigues, une manière de ne plus leur accorder la valeur de récit tel que le cinéma s’est longtemps complu à la légitimer. Gritos en la noche fera ainsi l’objet d’un certain nombre de variations, de El secreto del doctor Orloff/Les Maîtresses du Docteur Jekyll en 1964, à Der Dirnenmörder von London/Jack l’éventreur avec Klaus Kinski en 1976, sans parler de Névrose/El Hundimiento de la casa Usher qui, en 1983, en empruntera des séquences entières. Le récit de vengeance de Miss Muerte est décalqué dans Sie Tötete in Extase/Crimes dans l’extase avec son égérie du moment, Soledad Miranda, en 1970. La machination des Cauchemars naissent la nuit (1970) revient dans Die Teuflishen Schwestern/Deux sœurs vicieuses en 1977. Sans parler de la multitude de films relevant de ce genre pittoresque que l’on appelle les WIP (Women In Prison), misant sur le fantasme des infinies possibilités sexuelles et violentes de la promiscuité dans les prisons de femmes : 99 Mujeres/Les Brûlantes en 1968 à Frauen fur Zellenblock 9/Esclaves de l’amour en 1977, en passant par Quartier de femmes (1970), Frauengefangnis/Femmes en cage de 1975, Greta, Haus Ohne Manner/Le Pénitencier des femmes perverses en 1977, etc. Un choix qui valut à Franco le dédain d’un certain nombre d’amateurs qui le suivaient jusqu’alors. Les nécessités d’une progression discursive de l’intrigue sont souvent balayées d’un revers de main, en quelques phrases. Dans Miss Muerte, comme par l’effet d’une divination, le policier imagine (« Il se peut qu’elle ait été enlevée par certaines gens qui ont manipulé son cerveau… ») le fin mot de l’énigme. Souvent, comme le début de Diamants pour l’enfer (1975) peut en témoigner ou l’errance sans fin de La Comtesse noire, (chef-d’œuvre de 1973 illuminé par Lina Romay, qui deviendra plus que son actrice, un modèle s’identifiant à l’art même de Jess Franco) toute la dimension romanesque est contenue dans une voix off qui, sur des plans a priori dénués de signification narrative, condense alors tout un récit que l’on ne verra guère se dérouler à l’image. Celui-ci se consume donc proprement dans tout autre chose. Dans le simulacre devenu à la fois spectacle et vérité du spectacle. Les scènes de cabarets sont fréquentes dans le cinéma de Franco, goût particulier, personnel et constant du cinéaste. Elles ne constituent pas une péripétie « touristique » de l’intrigue, comme partout ailleurs, mais bien davantage le centre même du cinéma de l’auteur de Miss Muerte. C’est d’abord une métonymie des films eux-mêmes, dispositifs voyeuristes au cœur desquels le spectateur va se perdre, englouti par la force même de son désir de voir. La violence y est parfois mimée (cf.. le début de Necronomicon, de Vampyros Lesbos en 1970 ou bien de Exorcisme et messes noires en 1974), ce qui, insidieusement, confèrera plus tard à la brutalité diégétique un statut tout particulier. Le sang devient du rouge. Le sexe y est chorégraphié, mis en scène, au rythme d’une torsion non naturelle des corps. Mannequins, poupées et pantins remplacent parfois ceux-ci, déshumanisation « moderne » du personnage de cinéma ou érotisation fétichiste de l’inanimé. C’est ainsi que les situations de voyeurisme abondent dans les films de Franco. Assister aux ébats sexuels des autres est une situation courante, soit une scène primitive traumatique, comme dans Die Teuflishen Schwestern, soit, le plus souvent, le but secret des protagonistes (ce sont les moments les plus personnels, les plus « signés » des Prédateurs de la nuit réalisé en 1987).

Jess Franco architecte

Jess Franco aime les espaces insolites, distordus parfois, incongrus, décalés, « dissonants ». C’est sans doute, entre autres choses, dans cette quête du décor étrange que le réalisateur rattache son œuvre à l’expressionnisme cinématographique. Mais le décor est ici, économie du tournage aidant, entièrement « naturel ». Pas de décorateur attaché à construire des artefacts mais la quête de lieux à la fois réels et étonnants, de ce qui, dans l’architecture moderne, ne recherche pas la fusion idéale avec une nature irréprochable mais ce qui s’en démarque ostensiblement, ce qui y introduit, pour le regard, une anomalie de la perspective. Des constructions de Gaudi habitées par les protagonistes des Infortunes de la vertu, en passant par les ensembles bétonnés, d’une fascinante laideur, de la Costa del Sol, de Benidorm, d’Alicante ou de La Grande Motte. La maison isolée de Sie Tötete in Extase, celle de La Comtesse perverse en sont aussi des exemples frappants. Qui a vu de nombreux films du cinéaste a itérativement aperçu tel escalier à la rampe faite d’une corde, par exemple, et utilisé régulièrement pour sa valeur topographique et dramatique. Franco reconstitue l’Amérique du Sud à Nice et l’Angleterre du XVIIe siècle au Portugal ou en Espagne. L’espace est purement mental. La réitération des mêmes décors, endroits et lieux divers participent de ce mouvement d’envoutement qui dépasse chaque titre, réduit à la qualité d’épisode d’un vaste feuilleton. Mais la mise en scène elle-même invente une cosmogonie transmutée par les choix de focales, le recours au grand angle, la dynamique de la profondeur de champ, les contre-plongées et surtout les zooms. Chaque plan frappe par son inspiration souvent foudroyante. Spécialiste de la série B, Franco sait comment donner une énergie immédiate au cadre avec peu de moyens.

Jess Franco musicien

On le sait, le cinéaste est musicien, particulièrement amateur de jazz. Il lui arrive de composer ou de participer à la composition des musiques de ses films. Celle-ci, surtout lorsqu’elle est signée Bruno Nicolai ou Daniel White, contribue au lyrisme de certains d’entre eux à l’argument apparemment trivial. Le décalage entre l’image et la musique, l’effet inouï obtenu avec Gritos en la noche sera répété plusieurs fois. Dans Les Démons en 1970, c’est une sorte de jazz-rock avec flûte, percussion et guitare électrique, qui s’impose sur les images d’une Angleterre du XVIIe siècle. Lyrisme, effets de dissonance, (sans que ceux-ci soient perçus de façon contradictoire) sont donc recherchés par le cinéaste. Mais c’est, au-delà de la bande-son, toute la mise en scène et la progression du film qui relèvent d’une musicalité essentiellement attachée à plonger le spectateur dans un état de transe et d’hypnose.
A cet égard, montrer près de soixante-dix films est sans doute une forme de pari. Il s’agira de voir cette rétrospective comme un voyage, un trip, une expérience hallucinogène à laquelle le spectateur devra se prêter. L’usage compulsif du zoom qui lui a souvent été reproché est une manière, entre autre chose, de refuser tout centre, tout punctum, à une image qui régulièrement s’abîme dans le flou, et surtout se brûle elle-même dans la vision onaniste de scènes de lesbianisme languides ou de masturbation féminine. Le cinéma de l’auteur de Doriana Gray se réduira, de plus en plus, à de longues plongées mélodiques sur des corps de femmes tordus par le plaisir. Le zoom devient une érection visuelle tendue vers le sexe féminin. La vulve est l’Eldorado de l’artiste érotomane qui construit une œuvre entièrement déterminée par la volonté de voir l’indicible. Jess Franco fait penser à ces jazzmen acharnés à répéter le même standard et qui, à force de le jouer, en ont fait disparaître progressivement les lignes mélodiques pour n’en retenir qu’une essence en forme d’absolu.

Jean-François Rauger

Je viens de finir de lire le petit livre de François Julien, dont je parlais ailleurs.

Son titre complet, qui n'apparaît pas sur la couverture parce que pas vendeur et que ça ne sonnait pas assez "multicul", en fait, est : "Il n'y a pas d'identité culturelle - mais nous défendons les ressources d'une culture". Ce qui change un peu les choses.

Le propos est un peu inégal, mais intéressant: à la fois bien pensant, voire gnan-gnan (éloge de l'Andalousie et du parler "jeune" vivifiant (!), emploi du terme bateau: "vivre ensemble"…), mais en fait assez subtil (ré-étymologisation de cette expression, rappel qu'il n'y a de dialogue et de vitalité que dans "l'écart"), et parfois conservateur (ré-enseigner le grec et le latin, faire lire Molière et Pascal à l'école, refuser le règne mou de la "tolérance").

Plaidoyer général pour la circulation, la comparaison (pas le "clash", mais plutôt le réexamen de soi à la lumière de l'autre), la traduction, et la promotion des "ressources" - nées et grandies dans un "paysage" - linguistiques, artistiques, "d'art de vivre et de mœurs", qui seules permettent "l'intégration".

Chaque nouvel apport, souvent critique, étant une occasion de mieux lire et apprécier, dans "l'écart",ce qui a précédé: Rimbaud réactive La Fontaine, la surréalisme questionne Descartes…

Si on cesse d'entretenir ces "ressources", par exemple "l'élégance" française, alors on sombre dans le vulgaire (la télé-réalité), ou dans l'uniformisation du "globish" (critique du succès mondial de "Harry Potter", un peu injuste à mon sens).

Sur le plan anthropologicopolitique, des remarques théoriques (de la "tension" entre prétention (occidentale) à l'universel et singularité émerge la possibilité d'un "sujet"), des choses déjà dites (par Valéry: l'occident, c'est la Grèce, Rome et la Christ - la science, la loi, la foi - etc…), mais débouchant sur la constatation que, hélas, "l'Europe a été défaite" dès lors qu'on a renoncé à rédiger un préambule à sa Constitution - qui aurait du mentionner ses "ressources" ET chrétiennes ET rationalistes, puisque l'intérêt de l'Europe moderne n'est que dans la "tension" et "l'écart" productif entre ces pôles.

Intéressant au total.