dimanche 26 janvier 2020

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_Russell


Le paradoxe de Russell, ou antinomie de Russell, est un paradoxe très simple de la théorie des ensembles (Russell lui-même parle de théorie des classes, en un sens équivalent), qui a joué un rôle important dans la formalisation de celle-ci. Il fut découvert par Bertrand Russell vers 1901 et publié en 1903. Il était en fait déjà connu à Göttingen, où il avait été découvert indépendamment par Ernst Zermelo, à la même époque1, mais ce dernier ne l'a pas publié.
On peut formuler le paradoxe ainsi : l'ensemble des ensembles n'appartenant pas à eux-mêmes appartient-il à lui-même ? Si on répond oui, alors, comme par définition les membres de cet ensemble n'appartiennent pas à eux-mêmes, il n'appartient pas à lui-même : contradiction. Mais si on répond non, alors il a la propriété requise pour appartenir à lui-même : contradiction à nouveau. On a donc une contradiction dans les deux cas, ce qui rend paradoxale l'existence d'un tel ensemble. Réécrit plus formellement, si l'on pose :
on a immédiatement que yyyy, donc chacune des deux possibilités, yy et yy, mène à une contradiction (formellement, toute théorie contenant le théorème A ⇔ non-A est incohérente).



Les solutions du paradoxe

Les principales solutions apportées pour éluder ce paradoxe furent :
  • La restriction du principe de compréhension, due à Zermelo (1908) : un prédicat ne définit pas un ensemble mais ce que l'on appelle une classe et son intersection avec un ensemble donne un sous-ensemble de celui-ci. Il est possible d'écrire le prédicat « xx », mais celui-ci ne définit plus un ensemble. Il peut définir un sous-ensemble d'un ensemble donné, mais cela ne conduit pas à un paradoxe (voir plus loin). Il est nécessaire, pour développer les mathématiques, d'introduire un certain nombre d'autres instances du principe de compréhension général comme axiomes particuliers (paire, réunion, ensemble des parties, ...). Plus tard Abraham Fraenkel et Thoralf Skolem introduisirent (indépendamment) le schéma d'axiomes de remplacement, qui est toujours une restriction du principe de compréhension général, mais étend encore le schéma d'axiomes de compréhension introduit par Zermelo. Ils précisèrent également la notion de prédicat, et, en particulier Skolem, le contexte logique (le calcul des prédicats du premier ordre).
  • la théorie des types de Russell, esquissée en appendice de l'ouvrage déjà cité de 1903. Russell la développe véritablement dans un article de 1908 (voir références). Il poursuit, en compagnie de Whitehead, avec les Principia Mathematica parus en 1910. Selon cette théorie, les ensembles sont de types hiérarchisés. À un ensemble ne peuvent appartenir que des objets, qui peuvent être des ensembles, mais sont de types strictement inférieurs au type de l'ensemble initial, de sorte qu'on ne peut tout simplement plus écrire l'énoncé paradoxal (on ne peut plus écrire le prédicat d'auto-appartenance « xx », a fortiori sa négation). Russell n'a pas immédiatement développé la théorie des types après 1903. Il a d'abord pensé à des solutions alternatives, comme la théorie « pas de classe », qu'il tente d'esquisser dans son article de 1906. Dans ce même article, Russell ne cite d'ailleurs même pas la théorie des types parmi les solutions qu'il a explorées.



Prof Graham Allison, of Harvard University's Belfer Center, is one of the US's leading scholars of international relations. His groundbreaking book - "Destined For War: Can America and China Avoid Thucydides Trap?"

Le piège de Thucydide

En 1971, Graham Allison déconstruisait la théorie de l’acteur rationnel en politique étrangère en analysant les arborescences de choix de l’administration Kennedy lors de la crise des missiles de Cuba en 1962  (1). Loué, attaqué, à son tour déconstruit, l’ouvrage a marqué son époque et demeure une lecture essentielle pour tous les étudiants en relations internationales.
Destined for War, nouvel ouvrage du professeur émérite à Harvard (2), est bâti autour d’une big idea assez simple, bien faite pour retenir l’attention du grand public : les dirigeants américains et chinois, qui croient à leur pleine liberté d’action décisionnelle, seraient en réalité d’ores et déjà pris dans l’engrenage d’un piège historico-stratégique qui, bon gré mal gré, les conditionnerait pour un affrontement probable.
La référence théorique choisie par Allison est La Guerre du Péloponnèse, ouvrage dans lequel Thucydide exposait, il y a deux mille cinq cents ans, la manière dont prit forme le conflit : « Ce fut l’ascension d’Athènes et la peur que celle-ci instilla à Sparte qui rendirent la guerre inévitable. » De ce schéma opposant un gardien du statu quo (menacé de paranoïa) et un perturbateur ambitieux (tenté par l’hubris) Allison déduit une grille d’analyse pour comprendre l’avenir des relations entre Chine et États-Unis. Au cours des cinq cents dernières années, l’auteur relève seize occurrences de ce qu’il nomme le « piège de Thucydide » : rois de France et Habsbourg se disputant la prépondérance européenne lors du premier XVIe siècle, Royaume-Uni des années 1890 tentant de freiner le formidable potentiel d’une Allemagne entreprenante jusqu’à entraîner toute l’Europe dans le cauchemar de deux guerres mondiales… Douze fois, le piège a débouché sur la guerre. Quatre fois seulement, celle-ci a été évitée. Le couple antagonique de ce début de XXIe siècle peut-il échapper à cette fatalité statistique ?
L’auteur répond par une analyse prospective des combinatoires de choix qui se nouent entre les dirigeants d’États aspirant à une forme de prépondérance économique, idéologique et politique. Après une série de scénarios de crise qui insistent sur les possibilités actuelles d’ascension aux extrêmes entre l’Aigle et le Dragon (des îles Spratleys à la Corée du Nord), l’essai s’achève sur un chapitre raisonnablement optimiste. Allison y prodigue des conseils de modération à Pékin, tout en avisant Washington de ne pas confondre ses intérêts vitaux et ceux de ses alliés asiatiques. S’extraire du piège consisterait à ne pas multiplier sans nécessité les lignes rouges, culs-de-sac décisionnels dont on ne voit plus à terme comment sortir sans perdre la face, sauf par la guerre. Multipliant les statistiques sur le dynamisme économique et militaire de Pékin, Allison est convaincant sur le plan historique, moins sur le plan militaire, son évaluation du potentiel de l’armée chinoise semblant exagérée. Comme au temps des discours biaisés sur le missile gap retard nucléaire » américain sur l’Union soviétique), les États-Unis dominent en réalité largement leur supposé peer competitor (3) sur le plan capacitaire, et les récents progrès technologiques chinois — cybertechnologies et armes spatiales — ne suffisent pas à en faire un adversaire stratégique de même classe. On peut aussi juger que l’auteur se montre un rien schématique quant aux spécificités socioculturelles : les récentes déclarations du Parti communiste chinois en faveur des valeurs confucéennes montrent par antithèse que celles-ci ont fait place à une occidentalisation galopante des mœurs, fondée sur un ethos consumériste. Chinois et Américains ne vivent plus dans des univers mentaux étanches, et la modélisation de leurs interactions stratégiques doit en tenir compte.
À condition d’être pondéré par d’autres lectures (le récent Avoiding War With China, d’Amitai Etzioni (4), et surtout le très informé Everything Under the Heavens (5), de Howard French), Destined for War constitue un plaidoyer convaincant en faveur du concept réaliste d’équilibre de la puissance.

Olivier Zajec
Chargé d’études à la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS), Paris.
 
 

https://www.worldscientific.com/doi/pdfplus/10.1142/S2377740018500288