Hier soir, à la télé, un joli film japonais, "Tel père tel fils", de
Kore-eda, une sorte de "La vie est un long fleuve tranquille", mais
traité en mélodrame subtil. Le drame est que deux gamins ont été
échangés à la naissance, à la maternité; l'un est élevé par des richards
(architecte), l'autre en milieu populaire (petit magasin
d'électroménager, deux autres gosses dans le foyer). Quand les gamins
ont 6 ans, on s'en rend compte: que faire? Les parents essayent de
reprendre leurs fils respectifs, mais - je ne dévoile trop rien - ça ne
colle pas, les gamins vont repartir avec leur famille "adoptive", qui
est de fait devenue la leur.
C'est un drame - en cela que les sociétés humaines, pendant des millénaires ont été
organisées par et autour deux tensions.
L'une, c'est assurer une
certitude, ou du moins une bonne prévisibilité, sur la filiation
biologique: car aucun type ("normal", eh) n'a JAMAIS l'envie d'élever,
de nourrir, etc, un gamin qui ne serait pas "de lui" biologiquement -
ceci pour des raisons qui sans doute sont profondément ancrées dans
l'instinct de l'espèce: transmission et conservation de MES gènes, tout
autre fournisseur de gamêtes étant un rival, voire un ennemi… Bien sur,
beaucoup vont par ailleurs le faire, le vouloir et le souhaiter - mais,
soyons francs, la norme, c'est "mon fils, ma bataille", pas "mon fils
adoptif, mon amour" (sauf chez les grecs, romains et autres peintres de
la renaissance ou vieux dandys du XVIè arrondissement).
L'autre
tension: c'est donc de gérer tous les cas, qui, pour raison X ou Y,
sortent de ou contreviennent à la transmission directe, celle
éthologiquement préférée. Cas de fécondation de la femelle par un autre:
que faire des mioches, qui va élever les petits batards (elle, moi, la
tribu?), ne vaut-il pas mieux les manger direct? Cas de re-couplage: que
faire des gamins d'un précédent lit? - comment être beau-père ou
marâtre (dans ce cas, les femmes se trouvent concernées - car si le
gamin adultérin qu'elles ont eu est bien d'"elles", quid des gamins
qu'aurait en garde le type avec qui elles se maquent, etc…). Bref,
comment être "parent" de qui n'est pas biologiquement "tien"? Diverses
modalités d'inclusion/habilitation ont pu aider, selon les époques, à
cette souvent problématique, de la "famille", au sens de la maisonnée.
Le fait est que les sociétés ont de tout temps aussi créé
des fonctions "professionnelles" et symboliques pour que des gens
"externes" au couple s'occupent des gamins (profs, curés, encadrants
divers…). Serait à considérer les cas des orphelins (fascinant de penser
à l'institution durable de l'orphelinat, qui confirme ce que je disais
plus haut), celui des filles-mères (vilipendées pendant des
millénaires!), et celui des adoptions "hors-tribu" (sans doute plus
facile - du moins au début, et quand il n'y a pas pénurie - de chercher
un gamin "exotique", justement parce qu'alors on n'est pas du tout
confronté à la proximité phénotypique, donc à l'hypothèse de
l'infraction)…
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