Philippe Sollers:
« Aux États-Unis, le mot qui revient le plus souvent dans le petit imaginaire des gens qui se racontent des choses sexuelles, c’est le terme « bisexuel » ou encore mieux « androgyne ». Étant donné que le pouvoir féminin là-bas est une réalité palpable, cette croyance à l’androgynie, où vous reconnaissez sans peine le gros succès, définitif peut-être, de Jung, est une chose intéressante. Des femmes, par exemple, croient qu’un transsexuel peut arriver réellement à changer de sexe, exactement comme Schreber pensait que peut-être, en s’enlevant ce petit machin qu’il avait, il deviendrait la femme de Dieu et qu’il réenfanterait l’humanité. On dit qu’il n’y a pas d’idéologie aux États-Unis, mais si, c’est celle-là. » (La notion de mausolée dans le marxisme, décembre 1976. Fugues, folio Gallimard)
Pierre legendre:
« Nous assistons aujourd'hui, dans nos sociétés que je qualifie de post-hitlériennes, dans un style autre que le style tyrannique du banditisme hitlérien, cette fois dans la convivialité, l’esprit soi-disant démocratique, la liberté sans frein..., nous assistons au triomphe de l’expérimentation humaine. /…/ je suis étonné qu’on laisse se développer une barbarie qui n’a rien à envier, bien que dans un autre style, à l’esprit du Docteur Mengele. Nous sommes plongés là dedans. Donc, si on parle d’anthropologie, de quoi parlons-nous? On parle aussi, en fait, de quelque chose qui n’a pas de nom et se traduit par la psychotisation des peuples. C’est un problème gravissime. On en a une petite idée avec la barbarie des islamistes fondamentalistes, intégristes... Nous sommes donc dans l’escalade des obscurantismes. L’obscurantisme occidental, qui est un obscurantisme psychotisant, post-hitlérien, trouve aussi sa réponse dans un "je suis encore plus barbare que toi". C’est un cercle infernal qui est ouvert. Et je ne vois pas qu’on fasse autre chose que d’enfermer ces questions dans les nouvelles idéologies universalistes (notamment à base de sexe) ; c’est un combat, et nous verrons où il mène, certainement pas à la démocratie universelle ni à la paix universelle. » (Vues éparses. Entretiens radiophoniques avec Philippe Petit. Editions Mille et une nuits, 2009).
« Aujourd’hui j’ajoute : l’humanité est poussée, du Nord au Sud, à
vivre au-dessus de ses moyens psychiques. L’impossibilité de faire
admettre ce constat se trouve redoublée à l’occasion de la lutte contre
l’épidémie du terrorisme djihadiste : le nécessaire retour sur soi, sur
la débâcle généalogique, masquée en Occident par un libertarisme
débridé, demeure irrecevable. S’en remettre à l’armée et aux forces de
police ne suffira pas, si la réflexion critique est absente. Le refus,
par les pédagogues et les instances d’expertises, de changer de cap,
c’est-à-dire d’interroger nos propres structures dogmatiques en
perdition, met en relief la déroute d’une civilisation devenue incapable
de penser l’immémorial universel, la Dette généalogique. » (Sur le site Ars dogmatica, cf. Et cætera)